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La parole aux proches de malades psychiques - 2 -
La parole
aux proches de malades psychiques
de A jusqu'à Z
- 2e partie - De A jusqu'à H
Ce texte d'Anne Poiré, totalement gratuit, peut être lu, intégralement, sur ce blog.
Afin de consulter la première partie,
préface d'Anne Poiré et témoignage de Zacharie et de sa famille,
Acrylique sur papier Poiré Guallino
A
AAH - Allocation aux Adultes Handicapés
Il refuse tout, à commencer par remplir les papiers pour l’obtention de l’Allocation aux Adultes Handicapés, l’AAH, qui lui permettrait de recevoir de quoi vivre. Il n’en veut pas, puisque, à ses yeux, il n’est pas malade. En attendant, il vit sans aucune ressource depuis des années.
Abandonner
Elle a vite abandonné le Groupe d’Entraide Mutuelle, car elle ne se sentait pas bien avec les autres patients du GEM, beaucoup plus âgés, pour la plupart, ayant de grosses difficultés à communiquer, ce qui n’est pas son cas. C’est dommage, car du coup, elle n’a plus de lien, avec personne.
Abattu (être)
À un moment donné, j’étais abattue par ce genre de situations. Maintenant, je ne sais toujours pas vraiment les résoudre, mais je vis moins mal nos limites.
Aberrant
Avec mon mari, nous avons remarqué que notre fils avait maigri. Nous en arrivons à nous dire : « Si seulement il pouvait attraper une maladie, pas trop grave, dont il puisse guérir, mais quand même : il serait hospitalisé, ça le couperait de ses habitudes, ce serait un mal pour un bien. » Nous recherchons maladroitement des relais. J’ai bien conscience que souhaiter qu’il ait un souci de santé physique, pour qu’il soit enfin pris en charge, psychiquement, c’est aberrant, ce n’est pas non plus une solution.
Aboutir
Elle a toujours des projets, mais elle ne les fait jamais aboutir.
Absence de préparation au choc
Ce fut, durant des années, souffrance, incompréhension, et parfois même déchirements entre nous. Nous étions d’autant moins préparés à ce choc qu’il a suivi ses études sans difficulté. Il a constitué lui-même un dossier conséquent pour s’inscrire à cette formation très pointue. Alors, quand il a tout arrêté, nous n’avons rien compris.
Abstinent
Il a été abstinent pendant quinze ans. « Je vais m’en sortir », disait-il. Il s’est stabilisé. Et puis, des incidents, les choses de la vie, se sont accumulés. Il a rechuté. C’est reparti. Surtout, quand il a arrêté son traitement, ça a été la descente aux enfers. Après tant d’années, quand il a retouché à l’alcool, c’était comme si on m’avait poussée dans un gouffre. Je ne voyais plus d’issue. J’ai perdu sept kilos. Depuis, j’ai repris du poids, je gère. Mais je suis vraiment sollicitée, tout le temps.
Abstraction (faire)
Sa maladie ? C’est un sujet que je déteste aborder, et qui fait partie de mon quotidien. Je voudrais en faire abstraction car pour moi tout ce qui s’exprime est encore plus douloureux : la savoir si différente est extrêmement difficile.
Accablé
Avec mon mari, on n’est pas dans la culpabilité, on est accablés.
Accaparer (se l’)
Son psychiatre a longtemps cru que je voulais me l’accaparer. Si notre fils est resté si longtemps à la maison, c’est en réalité que nous ne trouvions pas d’autres solutions.
Acceptation
On se résigne, à force. On en vient finalement à l’acceptation. J’ai longtemps résisté, refusé la réalité. Mais il faut bien l’admettre : ma fille ne mènera jamais la vie dont j’avais rêvé pour elle.
Accepter
Il réussit à vivre dans son appartement. Nous, nous avons accepté sa façon de vivre, et lui de se soigner, par crainte d’une nouvelle hospitalisation.
Accident
Il est suivi par le service social. À l’âge de vingt-deux ans, il a eu un grave accident de moto. Bien sûr, cet accident a à voir avec sa maladie psychique. En même temps, s’il n’avait pas ces ennuis physiques, je pense qu’il aurait refusé toute aide. Il n’en veut plus, d’ailleurs, depuis trois ans.
Accompagnement
On ne devrait pas avoir besoin de passer par la police pour hospitaliser. On ne devrait pas, comme on l’a fait pour lui, juger, condamner à la prison, sans soin. Et surtout, après, il faudrait envisager un accompagnement.
Accord
Ses médicaments, pour moi, c’est comme une chimiothérapie quand on a un cancer : on traite. Pourtant, il refuse souvent de les prendre. Imposer un traitement constitue un enjeu essentiel. Or dans notre société, il faut actuellement l’accord du patient pour qu’il se soigne. Même quand son état psychique, justement, lui fait refuser tout soin.
Accueil
Où sont les structures susceptibles de l’héberger ? L’accueil, c’est un vrai problème. Il existe beaucoup de foyers pour les malades mentaux, très peu pour les malades psychiques. Or un enfant trisomique et un malade psychique ne peuvent pas cohabiter. Même pour les personnes qui encadrent, ce n’est pas du tout la même problématique.
Accueillir
Son psychiatre l’avait gardé dans son service, mais notre fils avait dépassé l’âge. En principe, ce professeur – pédopsychiatre très humain – ne s’occupait des enfants que jusqu’à onze ans et notre fils en avait quinze. Il a fallu se battre pour qu’il soit admis en secteur adolescents. J’ai dû faire intervenir la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales, la DASS. Cela s’est mal passé, il n’a pas été accueilli. Et nous non plus. Depuis qu’il est majeur, c’est pire. Nous avons de très rares contacts avec l’équipe de soins. Ils ne nous appellent que pour nous proposer de reprendre notre fils à la maison. Nous savons que ce n’est pas la bonne solution. C’est paradoxal : on nous fait comprendre lourdement que nous dérangeons. Le patient « doit être complètement autonome ». S’il l’était, il ne serait pas malade. Mais lorsque l’hôpital ne veut plus de lui, ils n’hésitent pas à nous téléphoner pour nous demander de le recueillir.
Accumulation
Il est en détention, pour une accumulation de faits pour lesquels il avait du sursis. Je viens d’apprendre qu’un nouveau procès arrive. Il a commis quelque chose de plus grave encore. C’est terrible et nous n’en savions rien.
Accusation
Il nous dit régulièrement de nous faire soigner. Ses accusations nous déroutent. On n’a jamais vu quelqu’un avec une fracture proposer à ses parents de se faire poser un plâtre. Pourtant, c’est ce qui nous arrive. Au groupe de parole, d’autres proches témoignent souvent de ce même problème.
Activités (garder ou retrouver des)
J’ai compris – mais j’ai mis des années – l’importance de m’offrir aussi un temps à moi. Depuis que j’ai réussi à mettre un peu de distance avec tous les soucis de mon fils, c’est incomparable, j’ai repris mes activités, : je participe à une troupe de théâtre amateur, on rit. Quel soulagement. Je suis aussi des cours d’histoire de l’art et je pratique l’origami dans un club. Ces sorties me font du bien.
Adaptation
Avec quelqu’un comme lui, il faut un certain sens de l’adaptation. Rien ne se déroule tout à fait « normalement », même pour simplement l’accompagner acheter une baguette de pain.
Adapter (s’)
Je travaillais au départ en faisant les trois huit. J’ai obtenu un poste de jour, en lien avec sa pathologie, pour ne pas la laisser seule, la nuit. On s’adapte comme on peut.
Addiction
J’aime assez l’idée que tout peut devenir addiction, comme le suggère Josef Schovanec dans Je suis à l’Est ! : ce jeune homme atteint d’autisme se dit en souriant dépendant de l’apprentissage des langues, des études. Le problème, c’est quand cette conduite irrépressible devient handicapante au quotidien.
Adhérer (à ses dysfonctionnements)
À force, il me faisait adhérer à ses propres dysfonctionnements. Je fermais les volets, en plein jour, pour avoir la paix.
Admettre (faire)
Pour ma fille, pour les soignants, les services sociaux que je tente d’alerter, parfois même pour les voisins, à qui je demande à l’occasion de l’aide, je suis la femme à abattre. Surtout lorsqu’elle est dans la nature, et que j’essaie de lutter pour la faire admettre dans une structure de soins, alors là, je me retrouve toute seule.
Administratif
Même s’il est connu du psychiatre, de l’assistante sociale, ce n’est que de l’administratif. Il lui manque l’essentiel.
Administration
Quand il ne remplit plus aucun papier, tout ce qui est « dossiers », si on ne s’en occupe pas, qui le fera ? Certainement pas lui. Les administrations mettent la pression mais quand je vais à la Caisse d’Allocations Familiale, la CAF, seul l’allocataire peut obtenir des renseignements.
Admiration
Moi qui ne suis que la voisine, j’ai d’autant plus d’admiration pour sa femme. Quand son mari bipolaire n’est pas bien, elle reste calme, posée.
Adolescence
C’était l’adolescence : on pense à des difficultés qui vont passer. Surtout qu’avant, tout allait vraiment bien.
Adoptive (famille)
Est-ce une simple coïncidence ? Nous sommes déjà trois familles adoptives – que je connais – à être concernées par les troubles psychiques de notre enfant, rien que sur notre petite ville.
Adulte
La maladie touche en général nos enfants à l’âge adulte. Sous prétexte que notre fils est majeur, le personnel soignant se dit tenu au secret médical : c’est l’impasse la plus totale. L’hôpital me répond qu’on ne peut le soigner de force, l’obliger à prendre son traitement. Si personne ne peut le lui imposer, et si lui, en raison de sa maladie, refuse toute aide, comme sortir de cette situation ? Il est considéré comme un adulte libre de ses choix alors qu’hélas sa pathologie psychiatrique fait que précisément son jugement est altéré, notamment par le déni de sa maladie. Pourquoi les soignants ne tiennent-ils pas plus compte de nos appels au secours ? On nous reproche même de l’empêcher de s’épanouir.
Affecté
Notre fille bien sûr est aussi affectée par la maladie de son frère. Ils sont liés et cela pèse sur elle. Par exemple, quand mon fils a fait ses bêtises, s’est entaillé le ventre, il lui a téléphoné. C’est elle qui m’a contactée : « Tu devrais l’appeler, je crois qu’il va faire une ânerie. » En plus, avec elle non plus, je ne sais pas toujours comment réagir, je crains de les avoir tous les deux contre moi.
Affectif
Il est marqué par un appauvrissement général, pas seulement financier. Dans ses relations affectives, par exemple, il ne fréquente plus personne. Il n’a pas de vie sentimentale.
Affolant
Quel que soit le changement, c’est chaque fois pour lui profondément affolant, peu sécurisant.
Affolement
Un jour, je me suis retrouvée à moitié nue sur mon terrain. Ma fille m’empêchait d’entrer chez moi. Une autre fois, je suis partie dans l’affolement, sans chaussure. J’ai roulé ainsi, tellement j’avais eu peur.
Agence Régionale de Santé - ARS
Moi qui suis représentant des usagers, à l’ARS, je constate que la maladie mentale et psychique sont niées. On trouve toujours de l’argent pour lutter contre l’obésité, Alzheimer, mais on ne s’occupe pas assez de nous, de nos malades.
Agir
Le problème, avec ces médicaments, c’est qu’ils sont longs à agir. Mon frère arrêtait chaque fois de prendre ses cachets, même s’ils apaisaient sa douleur. Il n’établissait pas du tout, au début, de lien entre eux et son sentiment de mieux-être. Pourtant, on voyait bien qu’il allait moins mal. Il ne relevait que les effets indésirables et les premiers temps, ma mère le croyait, le plaignait, au lieu de l’encourager à continuer son traitement.
Agitation
Elle a commencé à ne pas dormir la nuit, juste une heure ou deux, débordée par ses pensées, agitée, à beaucoup travailler. Puis elle est passée par une phase de délire. Elle disait des aberrations, sur son frère, sur ma sœur, elle accusait nos voisins de nous épier. Au début, c’était juste de petites crises qui duraient deux ou trois jours, ce qui est déjà long, quand on ne sait pas comment réagir. Et puis, depuis l’année dernière, elle est entrée dans une mauvaise période, trois semaines d’agitation ici, deux mois là.
Agréable
Avec le voisinage, ça s’est toujours plutôt bien passé : heureusement, il n’est pas violent. Il est très agréable, il s’intéresse à tout, même s’il est malade. Il a de l’humour, il est en général discret.
Agressif
Quand je lui parle de l’hôpital, il devient agressif, ce qu’il n’est pas habituellement. Je tâtonne, pour le convaincre de s’y rendre. J’y vais avec prudence.
Aguets (aux)
Je sens bien que pour lui, mes attentes, mon regard sont pesants. Je suis tout le temps aux aguets. Ça pourrait le soulager, que je le surveille moins. Mais comment faire autrement ?
Ahurir
Après tout ce qui s’est passé cette semaine, sa psychiatre m’a ahurie, quand elle m’a dit : « Je l’ai trouvé bien. »
Aidant de proximité
En tant qu’aidants de proximité, nous sommes très sollicités. Il faut nous écouter.
Aidant familial
Pour moi, qui m’occupe de lui depuis sa naissance, et il a maintenant plus de quarante ans, c’est ambigu. Là où la famille imagine la dimension humaine, dans cette reconnaissance officielle du statut d’aidant familial, la société perçoit l’économie : mon fils coûte moins cher à la maison plutôt que dans n’importe quelle structure.
Aidant naturel
Il y a encore beaucoup à faire : il ne suffit pas de nous donner quelques euros. Cette place particulière de parent et d’aidant naturel se travaille. Tout le monde ne peut pas l'assumer. Il convient d’en mesurer les risques.
Aide éducative
Il a fait l’objet d’une mesure d’aide éducative. Cela s’est révélé désastreux : il a multiplié les tentatives de suicide, les fugues. Il nous épuisait en passant trois jours de suite sans dormir.
Aider
« Aider l’Unafam c’est aider les familles à aider les malades. » Tout est parfaitement résumé dans le slogan de l’association, non ?
Ailleurs
C’est une souffrance dont on ne peut pas témoigner ailleurs.
Air frais
Nous vivons ensemble vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Enfin, pas tout à fait : heureusement, j’ai encore mon travail. C’est une bouffée d’air frais.
Alcool
J’ai lu dans les médias que l’alcool était en 2013 la première cause d’hospitalisation en France. La boisson tue quarante neuf mille personnes par an et un décès sur cinq chez les jeunes serait lié à l’alcool : mon beau-fils en est mort, par troubles associés.
Alcoolisme
Comme elle avait une tendance à l’alcoolisme festif, je l’ai souvent vue éméchée, sans comprendre que derrière ce problème s’en cachait un bien plus important.
Alerte (état d’)
Je fonce, bille en tête, sans trop me poser de questions, en apparence. Mais chaque jour, je sursaute. Dès que quelqu’un sonne à ma porte, ou téléphone, je suis en état d’alerte maximal.
Aliéné
C’est une notion que j’ai tout de suite cherchée dans cet abécédaire, lorsque j’ai pu en lire le projet. À mon grand étonnement, je ne l’ai pas trouvée. Il est vrai que les parents ne l’emploient pas, ni n’évoquent l’aliénation. Je me suis rendue compte qu’à force d’échanger avec des professionnels, ma perception des mots que j'entends (mais que je ne prononcerais évidemment pas en parlant de mon propre enfant) devient moins violente quand elle est prise dans leur contexte. Je me suis en quelque sorte familiarisée avec ces paroles. Comme quoi l'interprétation, la représentation n'est pas la même pour tous. J'ai le sentiment de naviguer au milieu de tout cela sans doute pour faire aussi quelque chose de ma souffrance de parent. Je crois très sincèrement que ce n'est pas tant la maladie par elle-même (ou le handicap, les deux sont étroitement liés) qui est inacceptable mais comment on le vit. La difficulté se trouve bien là. Quoiqu'il en soit ce livre n'étant pas un recueil de paroles de pro, « aliéné » n'a rien à y faire, j'ai trop l'habitude de vouloir rapprocher familles et professionnels, alors je m'y perds.
Alléger (s’)
Je ne voulais pas croire que ce soit possible, au début. Mais si, c’est vrai. Est-ce lui qui est moins malade ? Nous qui prenons les choses autrement ? Avec le temps, le poids s’allège.
Alliance thérapeutique
Je rêve d’une alliance thérapeutique dès le début de la maladie entre la famille, les soignants et la personne soignée. On pourrait imaginer que soient données d’emblée des informations claires sur la maladie. Ces réponses détaillées, nous les avons obtenues en participant dans une clinique à la formation profamille, un programme psychoéducatif pour les proches ayant un membre souffrant de schizophrénie. « La famille n’est pas la cause de cette maladie mais peut-être l’une des solutions. » Cette formation nous a été très utile, mais n’a été possible que lorsque nous n’étions plus dans l’urgence et la tempête, c’est-à-dire après quelques années. Tout de suite, les questions que l’on aurait pu avoir avant ont été posées. Certes, on a eu les éléments de réflexion après coup, mais au moins on les a eus. Nous n’avions pas obtenu de réponses par les différents médecins qui ont suivi notre fille. Là, ce sont des professionnels qui nous ont aidés à avancer. Des médecins, psychologues de terrain : ils nous ont apporté des réponses formidables, qu’aucun psychiatre ne donne jamais directement aux familles. Avec ceux qui s’occupent de nos patients, il faut toujours faire profil bas. De ce programme, tout le monde est ressorti transfiguré.
Allié
J’ai voulu rencontrer le psychiatre responsable du service de psychiatrie. Il ne voit pas l’intérêt de communiquer avec la famille. En 2013. Ils ont déjà assez de problèmes avec les patients, alors ils se demandent pourquoi nous recevoir. En fait, j’ai toujours eu de meilleurs rapports avec l’éducatif, la justice. Avec le soin, c’est compliqué. Je n’ai pas insisté. Pourtant nous aurions dû pouvoir avancer ensemble, en alliés.
Altération
Cette altération subite de sa pensée, de son comportement, nous a alarmés. Mais après, que faire, à qui demander de l’aide ?
Ambivalence
Comme me l’a rappelé l’ergothérapeute, une sœur et une mère n’ont pas du tout les mêmes rapports avec un frère et un fils. Parfois, j’aimerais que ma fille m’aide un peu plus. À d’autres moments, je voudrais la protéger davantage. Avec mon fils, c’est pareil : l’ambivalence, tout le temps.
Ambulatoire
La mise en place d’un programme de soins ambulatoires sans consentement pour ma fille est rassurante pour moi, allège ma charge. J’ai moins à l’aider.
Amélioration
Dans le but d’arriver peu à peu à toutes ces améliorations, évidentes désormais, nous avons déployé toutes sortes de tactiques, plus ou moins efficaces, pour nous en sortir. On peut dire qu’au fil du temps, la prise en charge – médicale et sociale – progresse. Mais il a fallu être patient.
Amitié
Mon neveu, malade, comme ses parents, a tendance à rompre tous les liens. Pourtant, l’amitié, c’est important. Encore plus dans ces moments-là.
Amorphe
Peu à peu, elle s’est coupée de tout, décalée et amorphe, plus rien ne l’intéressait.
Amour
Malgré tout mon amour pour mon mari, parfois, je sature. Mon rôle ne va pas de soi. J’aurais pu le quitter. Je peux le faire. Ce n’est vraiment pas normal que la société m’impose de le porter ainsi. Si au moins c’était temporaire. Si on savait que l’on va s’en sortir. Lui qui était un intellectuel, raffiné, la maladie l’a amputé d’une partie de sa capacité à raisonner, ce qui lui nuit, dans beaucoup de domaines, au quotidien.
Amuser (s’)
Je m'amuse et prends du plaisir dans cette association de quartier. Je ne me lance dans rien de sérieux : art floral, aquagym et natation. Cela me permet d’oublier un peu mes soucis. L'essentiel, c'est de trouver ce qui apporte du mieux-être. Peu importe le support, pourvu qu'il nous anime.
Anéantissement
Au début, on a ressenti une impression d’anéantissement et nos premiers contacts – inquiétants – avec la psychiatrie, n’ont rien arrangé.
Angoissant
Il craignait les buissons, qui bougeaient de façon angoissante, à ses yeux. Il imaginait des trous sous la terre, peuplés de fantômes et de morts.
Angoisse
On peut donner une fonction à cette angoisse : qu’est-ce qu’on en fait ? Comment allons-nous exprimer nos incertitudes. Ces préoccupations nous rassemblent.
Anorexique
Je suis là, à tendre les filets de protection, mais mon fils tombe quand même. Chaque fois que j’arrive chez lui, il prend son tube de coupe-faim. Il en possède un plein placard, cinquante boîtes au moins. Quand il a été hospitalisé, j’allais le voir tous les jours. Au bout de quelques semaines, je pose bêtement la question, pour me rassurer : « J’ai lu qu’ailleurs on coupait parfois les patients anorexiques de leur famille. Vous n’allez pas le faire, ici ? » « Ah oui, tiens ! » Et du jour au lendemain, on me dit de ne plus venir.
Antécédent
Nous nous interrogeons sur les antécédents familiaux, mais sans réponse. Bien sûr, nous découvrons toujours dans nos arbres généalogiques, pas si éloignés, des tontons, des cousins, des arrière-grands-parents un peu bizarres.
Anticiper
Cette prise en charge est franchement difficile. « Il n’y a qu’à attendre », m’a dit l’infirmière, quand j’ai contacté, affolée, le Centre Médico-Psychologique. Ils connaissent mon fils. On me répond : « S’il déclenche une grosse crise, il sera hospitalisé. » C’est malheureux, mais c’est toujours pareil. Tant qu’il ne se passe rien de grave... J’aimerais qu’on puisse anticiper. S’il faut qu’il arrive quelque chose pour que tout le monde intervienne, c’est un scandale. On nous dit qu’il faut les laisser toucher le fond. C’est intolérable. En tant que parents, on voudrait pouvoir trouver des solutions, réagir avant, arrêter la machine de destruction. On n’y arrive pas forcément.
Anxiété
C’est sûr, participer au groupe de parole, entendre les autres, ça réveille des angoisses. Du passé, quant à l’avenir. On ne se réunit pas pour évoquer des sujets sans anxiété. On est en quête de sens, on cherche des solutions.
Anxio dépressif
Sur les papiers, les médecins ont indiqué qu’il était « anxio dépressif ». C’est un diagnostic par défaut : quel est le malade psychique qui ne l’est pas ? Depuis dix ans que nous galérons, les soignants refusent de donner un nom à la pathologie. Nous souhaiterions pourtant en savoir un peu plus, ne serait-ce que pour nous renseigner à ce sujet.
Anxiolytique
Il pense qu’il prend un léger anxiolytique et un somnifère pour de l’asthme ou je ne sais quel souci purement physique. Il est dans le déni de sa maladie, convaincu que le psychiatre le suit pour d’autres problèmes. Les cachets, d’après lui, sont là pour calmer ses fragilités respiratoires. En même temps, il sait bien qu’il y a autre chose.
Apaisement
J’en suis sûre, la reconnaissance des soignants, comme de la famille, est la clé permettant un apaisement des relations entre les uns et les autres.
Apathique
Avant, il était passionné, il faisait de l’escalade, explorait des voies aux quatre coins de l’Europe. Maintenant, il reste immobile, dans indifférence ; apathique.
Apitoyer (s’)
Quand je promenais mon fils au jardin public, autrefois, je voyais ces malheureuses femmes, avec un enfant trisomique, en chaise roulante, différent, et je m’apitoyais : « La pauvre maman ! »
Apparences (sauver les)
J’ai voulu à tout prix « tenir le boulot », continuer, sauver les apparences, alors qu’au quotidien, avec lui, c’était très dur. On sent sans arrêt le regard des autres, sur soi, on veut être fort. Dans ces conditions, forcément, à un moment ou un autre, on perd. Je me suis effondrée.
Appartement thérapeutique
Les éducateurs ont conseillé un appartement thérapeutique, mais la colocation était difficile pour lui. Il avait peur de tout. Il souffrait la nuit, en l’absence de personnel et les tâches ménagères, les courses, les repas, toutes ces contraintes sont devenues trop dures. Il a rechuté.
Appauvrissement
Nous percevions bien le caractère singulier de ses appauvrissements. Mais nous n’avions pas de solution. Il distribuait aux mendiants ses trois euros, dès qu’il avait réussi à les rassembler.
Appel au secours
J’ai écrit au Procureur de la République, pour demander du soutien. Je ne savais plus que faire. J’étais tellement incapable de le faire accéder aux soins que j’ai tenté, aidée par l’Unafam, d’appeler au secours. Rien ne s’est amélioré quant à sa prise en charge, hormis sa présence, complète, à la maison, chez moi. Je suis retraitée et franchement ce n’est pas de tout repos.
Appeler
Il se demandait sans arrêt : « Qui vais-je appeler ? Le réseau ERIC - Interventions psychiatriques au domicile et équipes mobiles en cas de crise ? Une association de prévention de la crise suicidaire ? » Quand ce n’étaient pas les professionnels, c’était nous, parfois vingt, trente fois le même jour.
Apporter
J’ai su tisser un lien avec lui. Je ne veux pas le trahir en prévenant les services, il a confiance en moi. Un soir de grande détresse, mon voisin m’a montré ses papiers, sa carte de personne handicapée, une ordonnance, et une lettre, un document signé de son psychiatre qui précise plus ou moins que son patient souffre d’un sentiment de persécution. Que puis-je lui apporter, en dehors d’un sourire et d’une parole gentille, quand je le croise ?
Appréhension
Notre inquiétude demeure, mais plus notre appréhension, dès lors que nous avons appris à l’aimer autrement.
Appui
Son évolution comme notre propre cheminement ont fait que nous n’avons pas recherché les mêmes appuis au fil du temps.
Après
Quand on a appris sa maladie, il y avait des nuits où je ne dormais pas : c’est l’après, qui ronge, le souci de penser que mon aînée aura des choses à faire pour sa sœur quand on ne sera plus là. Je préfère ne pas m’imaginer son état de détérioration physique et mentale après notre mort.
Arrestation
Je voudrais dénoncer les conditions de l’arrestation de mon fils, à son domicile. L’Unafam m’a soutenue au mieux pour que je puisse me faire aider juridiquement Franchement, je me demande s’il était nécessaire de déployer ainsi les forces de l’ordre. Au-delà de ce qu’auront pensé les voisins, comment mon fils a-t-il pu ressentir cette façon d’agir ? C’est un malade, ayant besoin de soins. Il ne peut que confondre, désormais, l’idée de l’accès aux soins, la prison, et il refusera sans doute encore longtemps une prise en charge en ambulatoire. C’est une perte.
Arrêt
Pourtant stabilisé depuis longtemps, il a dû être hospitalisé dernièrement à deux reprises. Il avait cessé volontairement son traitement, et chaque arrêt le fait plonger.
Arriver
On y arrive : on progresse, on trouve des solutions, on stabilise. Mais ça prend du temps.
Arrogant
Il était très arrogant. Parfois agressif par la parole, jamais par geste. Il se mettait en colère si je ne lui répondais pas. Maintenant, il vit en foyer, en accord avec la psychiatre, et c’est mieux, pour lui comme pour moi.
Art-thérapie
L’art constitue vraiment une thérapie. La peinture lui apporte beaucoup : il y passe des journées entières. Ça lui occupe l’esprit, les mains. S’il ne dessinait pas, je ne sais pas ce qu’il ferait. Même s’il entasse ses dessins dans des pochettes, au moins, il a la satisfaction de les voir aboutir.
Assistante sociale
Par la suite, une assistante sociale a pris les choses en main. J’ai apprécié cette aide précieuse. Depuis, une infirmière rencontre ma fille une fois par semaine, une aide-ménagère assure deux heures de ménage hebdomadaires et ma fille a accepté une demande de mise sous curatelle.
Assumer
Même en connaissant des gens avec qui parler à cœur ouvert, on reste toujours tout seul, au quotidien, pour assumer.
Attente
Je dois me familiariser avec cette attente anxieuse à laquelle je suis réduite : sinon, je m’épuise à perte. J’essaie de me reposer sur ce dont je devrais être sûre, le fait que je fais ce que je peux, que je ne peux pas plus.
Autodestruction
Lui qui souffre de troubles entre autisme et schizophrénie, a obtenu dix-sept sur vingt en philosophie, au bac. Il a fallu qu’il aille loin, dans l’autodestruction et le refus, pour que j’accepte le fait que ni mes parents ni moi n’étions tout-puissants et que nous étions incapables de le protéger.
Autonome
C’est un paradoxe. D’un côté, les équipes nous disent : « Occupez-vous en, soignez-le. » De l’autre, on ne vous expliquera pas de quoi il souffre, il est majeur, supposé être autonome.
Autonomie
La priorité, c’est l’autonomie de notre fils. Notre propre survie en dépend.
Autre
Il s’intéresse aux gens, quand il est à jeun. Il est à l’écoute de ceux qui sont vulnérables, malades. S’il boit, s’il est en crise, et qu’il bouscule son grand-père, il ne le ramassera pas, c’est sûr, alors qu’il est vraiment très gentil, normalement. C’est comme s’il devenait un autre.
Autrement
On prône que peu de schizophrènes sont dangereux. Il faut au contraire en parler, en dehors des événements flash, qui font les gros titres, à la télévision : ça va être long, pour faire évoluer la prise en charge. Mais il est important de ne pas cacher cette facette. Aucun médecin psychiatre, aussi bon expert soit-il, ne peut savoir ce qui se passe dans la tête d’un malade en état de psychose délirante. Et nous, familles, nous ne portons pas plainte : nous ne pouvons pas envoyer en prison nos propres enfants, surtout que nous savons que ce n’est pas là-bas qu’ils vont obtenir des soins, dont ils ont tant besoin. Il faut aborder le problème autrement, humainement, oser en parler. Nous aimerions juste qu’ils soient soignés.
Avancée médicale
Je compte beaucoup sur les avancées médicales. On a bien trouvé le lithium, pour les bipolaires.
Avenir
Je suis tourmentée à l’idée de ce qui nous attend encore. Son avenir me paraît tellement sombre, parfois. J’espère que mon témoignage sera utile pour faire avancer la situation.
Aveuglement
Mon aveuglement est évident, rétrospectivement. Il y a tout ce que l’on n’a pas su voir. Je ne voulais pas admettre la maladie.
Avouer (s’)
Souvent, même en moi-même, je n’ose m’avouer ce que je ressens.
B
Baisser les bras
Seuls les très proches comme nous peuvent témoigner. Pour protéger nos enfants, par honte, ou parce que nous avons plusieurs fois tenté d’alerter et que personne ne nous a entendus, il arrive que nous baissions les bras.
Balisé
Ce parcours non balisé m’a affolée, les premiers temps. Moins maintenant, heureusement. Mais il reste tellement d’incertitudes.
Banaliser
Nous n’avons pas honte de la maladie de notre fille. En parler, c’est la banaliser.
Bancal
Pour l’instant, il est dans un foyer. Mais il peut boire, fumer dans sa chambre. Personne ne s’en occupe. Cette solution bancale ne pourra pas durer.
« Barjoter »
Le plus gros problème, c’est qu’il ne veut plus conduire, ni parler, même avec moi. Il n’arrive plus à rien faire, pas même une petite activité. Il reste dans son monde. Il « barjote » en permanence.
Batailler
Quand on a découvert l’Unafam, on était arrivé tout en bas. On avait perdu l’essentiel de nos rêves. Les familles galèrent pendant des mois, des années, pour faire soigner leurs proches. Moi-même, j’ai bataillé pendant plus de six ans pour parvenir à faire hospitaliser ma fille. Alors ceux qui me disent que je suis pressée que le traitement agisse, ça me fait rire. La patience, je connais. Surtout que je sais que nous n’en avons pas terminé.
Bâtir
Avec ce directeur, il a été possible de bâtir un vrai projet. Il avait des initiatives innovantes. Il privilégiait la prise en charge étoilée, pour qu’on ne s’épuise pas. Il a proposé des voyages à notre fils. Ça l’a aidé à tenir un moment, cahin-caha. Après, ce monsieur a pris sa retraite. Parfois le soin, la prise en charge, sont juste une question de personne.
Batterie
À l’atelier de poterie, je recharge mes batteries. Depuis, je ne dis pas que tout est simple, mais je parviens mieux à faire face, calmement. Je gère autrement mon propre stress et les situations les plus inattendues.
Battre (se)
Je n’ai plus besoin de me battre contre moi-même. J’avais du mal à m’accepter. Je me bats désormais contre la maladie.
Béant
Ce trou béant que nous avions creusé autour de nous ! Nous n’avions plus de vie sociale. Nous avions fait le vide sans même nous en rendre compte. En même temps, sans les autres, on ne s’en sort pas, c’est important de reconstruire des liens.
Bénéfice
En réalité, même s’il s’en plaint chaque fois, il tire un bénéfice de ses hospitalisations. Et nous aussi, par contrecoup.
Berner
J’ai parfois l’impression qu’il berne volontairement son psychiatre. Je dois me raisonner pour admettre qu’il ne le fait pas exprès.
Besoin (en avoir)
Les médecins qui suivaient son frère n’ont jamais envisagé de recevoir ma fille. Je comprends, ils n’ont déjà pas le temps. Mais elle en aurait eu besoin, souvent.
Biaiser
On a un appartement à la montagne. La dernière fois que l’on a voulu s’y rendre, il y a quelques années, on était à peine à trois cents kilomètres que l’on recevait un coup de téléphone des Urgences : notre fils avait fait une tentative de suicide. Il avait avalé tout son pilulier. Depuis, on ne part plus. C’est très lourd. On doit toujours être là. Le seul autre endroit où il est bien, c’est l’hôpital psychiatrique. On a un peu tenté de biaiser, essayé de le confier à un beau-frère, avec qui il s’entend bien – ça n’a pas été facile. Puis une sœur de mon épouse, qui le connaît, est venue le garder : ça a été l’horreur totale. On ne peut plus le laisser tout seul. Quoi qu’on prévoie, on vérifie que c’est compatible.
Bien (faire du)
Depuis que j’ai découvert l’Unafam, l’association me fait du bien. Je ressens nettement moins la culpabilité. En tous les cas, plus de la même façon. Je me dis : « Après tout, c’est comme ça. » Avant, je me répétais : « C’est ta faute. »
Bienfait
Je crois que les bienfaits du groupe de parole débordent jusqu’à la maison... Magique ! Mon fils est bien, ce soir. Je peux profiter de cette soirée.
Bienveillant
Nous nous écoutons les uns les autres autour de la personnalité bienveillante d’une psychologue qui ne vient pas avec un savoir préétabli : elle grandit avec nous, nous aide à inventer des solutions. C’est un enrichissement réciproque. J’ai entendu là des témoignages poignants, comme seul en ce lieu on peut les exprimer, sans peur du jugement, sans craindre l’incompréhension de l’autre.
Bilan
Si je fais le bilan, autour de ma sœur, qui refuse tout soin pour sa psychose pourtant diagnostiquée il y a bientôt trente ans ? Ce sont tous les autres qui ont fini par avoir besoin d’aide : mon père a vu une psychologue, jusqu’au départ de cette dernière il y a trois ans. J’ai deux sœurs qui ont entrepris une psychothérapie. Moi je suis suivi par un psychiatre, en soutien régulier. Mon frère allait au Centre Médico-Psychologique, le CMP de sa ville, « pour parler », pendant un certain temps. Je crains que nos enfants n’aient eux aussi besoin, au fil du temps, d’être étayés. Leur tante ne va pas bien. Du coup leurs grands-parents et leurs parents – moi-même – non plus. Rien n’est résolu, pour personne.
Bipolaire
Même avec notre connaissance de la maladie, puisque j’en ai dans ma propre famille, je n’aurais pas pu me douter que ce qui le rendait ainsi, c’était une crise maniaque. Ce copain d’enfance était agité, pas vraiment à notre écoute, envahissant. Mais il est chef d’entreprise, ce qu’il disait paraissait cohérent, construit. Il a fallu, deux ans après, que sa nouvelle compagne nous parle de ses problèmes de santé pour que j’ouvre les yeux. Moi dont le frère souffre de schizophrénie et alors que la nièce de mon mari est elle aussi bipolaire, j’étais passée à côté.
Bipolarité
Je suis adhérent depuis que j’ai assisté à une conférence sur la bipolarité. Je me rendais là pour mieux comprendre la maladie de ma mère. Moi qui me croyais dépressif chronique, je me suis demandé si je n’étais pas moi-même bipolaire de type II.
Bizarre
Dans notre famille, non, rien, aussi loin que je remonte, nous n’avions pas de cas comme ça. Tout le monde était hyper dynamique. Ma mère me dit tout de même que peut-être on n’en parlait pas ? Je ne sais pas. Quand on commence à chercher, après, on trouve toujours quelqu’un d’un peu bizarre, dans la parenté.
Bizarrerie
Nous avons cru que les premières tensions naissaient de la crise d’adolescence. Quand je m’inquiétais de certaines bizarreries de mon fils, tout le monde me rassurait en me disant : « Mais non, c’est normal. Ça va passer avec l’âge. » En réalité, c’est devenu de plus en plus compliqué et je ne comprenais pas ce qui était en train d’arriver.
Blanche (nuit)
Favoriser tout ce qui peut me faire du bien, c’est aussi protéger mon sommeil. Pendant des années j’ai veillé, toujours aux aguets. J’ai accumulé les nuits blanches, la nuque tendue. Maintenant, je me couche tôt, j’essaie de récupérer. Je me masse, je prends une bouillote. Je me ménage des siestes, pour me reposer. Ainsi, je me sens moins fragile, pour affronter les tornades, ou pour profiter tout simplement de l’existence.
Blesser
Il sait écrire, blesser à demi-mots. J’en suis chaque fois meurtrie, même quand j’essaie de mettre à distance ce qu’il m’assène. Les blessures des proches sont rarement comptabilisées. Elles ne sont pas assez prises en compte.
Blinder (se)
Pour tenir, je fais comme si. En particulier, comme si toutes ces blessures infligées par la vie passaient sur moi sans jamais m’atteindre. Je me blinde. Imperméable à toutes mes émotions personnelles. Parfois je m’effondre, mais j’essaie de le faire loin de lui, pour ne pas le perturber.
Blog
J’ai le projet de créer un blog, pour les familles qui passent par l’écriture, de façon à ce qu’on trouve des traces de tout ce vécu. C’est une autre approche. Les personnes qui subissent en parlent autrement que les psychiatres. Ils n’ont pas ce même regard. Oui, j’aimerais créer une rubrique pour trouver des réponses qui trancheraient avec ce que l’on peut nous dire au quotidien.
Boire
Il va mal, alors il boit. Du coup, il va encore plus mal. Il serait une bombe à retardement, si on le poussait.
Bonheur
Je n’ai jamais pu me réjouir tout à fait de mon propre bonheur.
Bonne volonté
Quand on parle d’alliance thérapeutique entre le patient, les soignants et nous, parents, cela me fait sourire. Même quand on y met beaucoup de bonne volonté, c’est difficile.
Bouffée délirante
Après sa première bouffée délirante, ma fille qui avait obtenu son bac avec mention « très bien » ne savait plus lire ni écrire. Elle a dû remonter, peu à peu. Maintenant, lorsqu’elle prend son traitement, personne ne peut soupçonner qu’elle est malade. Elle a eu le courage de repartir, de repasser des diplômes.
Boulot (petit)
Je rêve qu’il trouve ne serait-ce qu’un petit boulot, à mi-temps, qu’il ait une vie sociale. Il voudrait travailler, comme son papa qui bosse soixante heures par semaine. Mon mari est perfectionniste, il représente son idéal. Mais le problème, c’est la durée. Mon fils ne tient jamais.
Bousculer
Ce n’est pas une solution pour tout le monde, ce groupe de parole. Le mari de l’une d’entre nous n’est venu qu’une fois. C’est déjà bien d’avoir essayé. Il préfère en profiter par personne interposée, en laissant sa femme lui raconter ce qu’elle vit chaque mois avec nous. Il nous a expliqué : « Ça me rend malade, d’être en groupe. Je repars, je ne suis pas bien. » L’une d’entre nous lui a répondu : « C’est parce que vous ne venez pas assez souvent. Moi aussi, au début, ça m’a bousculée. Comme toute thérapie, je sortais perturbée des premières séances, je me posais plein de questions. Depuis deux ans, je bloque les dates à l’avance sur mon agenda pour n’en louper aucune. Tous ces épisodes, mis bout à bout, maintenant je leur donne du sens. »
Bricolage
Je mets en place des stratégies, pour gérer, mais c’est chaque fois simplement de l’à peu près, du bricolage.
Brillant
Nous nous sommes très vite rendu compte que notre fille – pourtant longtemps brillante – ne pourrait plus suivre d’études mais avait besoin de soins.
Brisé (cœur)
Le retour à la maison de notre fils après son hospitalisation, nous ne le souhaitions pas et nous avions raison de tenter de trouver d’autres solutions. La première fois, nous n’avons pas eu le choix. À trente ans, on n’habite plus chez ses parents. C’était une réponse qui isolait, continuait à le marginaliser. La fois suivante, nous avons refusé de l’accueillir. J’en ai eu le cœur brisé, mais s’il est autonome, aujourd’hui, c’est parce que j’ai tenu bon.
Brouillard
Il m’appelle parfois, en plein délire, à m’interroger sur des propriétés qu’il aurait achetées, des sauts en parachutes, des voyages qu’il n’a jamais effectués, et il me dit : « On est dans le brouillard, on ne voit pas à un kilomètre à cause de la machine à fumée. » Ça le fait rire. Hallucinations ? Métaphores ? Puis il ajoute, plus sombre : « Je suis handicapé du cerveau. » C’est bien la preuve qu’il sait. En même temps, il refuse tout soin.
Bruit
Je lui en veux pour le chahut qu’il fait la nuit. Mais il n’a pas la volonté de réveiller tout l’immeuble. Il s’agite malgré lui. Surtout que lui-même est très sensible au bruit causé par les autres.
Brutalement
Trente minutes après le départ de sa sœur, avec qui il n’y avait pas eu le moindre souci, ce jour-là, mon fils m’a insultée, il m’a dit des mots que je n’avais jamais entendus dans sa bouche. D’une violence ! Il a passé la nuit suivante dehors. Ça a commencé comme ça. Brutalement. Rien n’annonçait l’irruption de la maladie.
Burn out
Je suis peut-être un partenaire « incontournable », mais on me demande trop. Résultat, je suis cabossée, en arrêt de travail : en burn out, comme on dit.
C
Cadre fermé
Lorsque notre fils a été placé en cadre fermé, à l’hôpital, sans visite, il a semblé plutôt rassuré, à ne réclamer que des cigarettes.
Cadrer
Avant, elle allait à l’hôpital de jour, en « soins-études ». Ça l’aidait à se cadrer.
Calme
On ne peut pas tout faire tout seul. Mais en même temps, des groupes, je ressors déprimée. Ça ne me sert à rien. Je n’en ai retiré aucune clef. J’ai fait une formation pour les aidants, les accompagnants, à l’hôpital, dans le but d’apprendre à savoir comment réagir, et j’ai rencontré un psychiatre, au Centre Médico-Psychologique. Néanmoins, dans la situation, il n’y a personne. Ça m’a saccagé le moral. J’ai vu tellement de cas, des gens en souffrance. J’ai eu l’impression de ressortir de tout cela sans solution. Ça m’a éprouvée et me prenait du temps, de l’énergie. Ça ne m’a pas réussi. Je revenais de là franchement mal. Et puis j’ai découvert le psychiatre que je vais voir, maintenant, individuellement, en libéral. Lui m’a fait évoluer, beaucoup. Oui, cette aide m’a permis de m’équilibrer, d’être plus calme avec ma fille, pour mieux la recevoir. Ponctuellement, ces séances m’aident vraiment.
Calmer (se)
L’apaisement est possible. Depuis ces échanges de mails avec mon fils et maintenant que nous avons rejoint les rencontres « Écoute famille » de l’Unafam, la situation s’est améliorée. Tout s’est réellement calmé.
Camoufler (ne pas)
Nous ne voulons pas vivre cachés. Nos enfants ne sont pas des criminels. J’ai déclenché un cancer, au début de la maladie de notre fille : je ne vais pas camoufler l’une comme l’autre maladies.
Cannabis
La prise de toxiques nuit au cerveau. On a su plus tard qu’il avait reçu au lycée deux avertissements pour consommation de cannabis. Il y a touché vraisemblablement dès sa première année et il en abuse, semble-t-il, toujours, ce qui n’arrange rien. Comment l’en empêcher ? Ses copains ne travaillent pas. Ils fument, boivent de l’alcool tous ensemble.
Cap
Nous sommes tous sur le même navire, les familles et les professionnels. La seule différence c’est que nous, nous restons toujours à bord et nous ne sommes autorisées ni à faire des escales ni à quitter l’embarcation : nous devons maintenir le cap. Les professionnels se relaient, ne font souvent qu’une partie de la traversée, pendant que nous tenons la barre pour que le bateau ne chavire pas.
Capacité
On s’interroge sur soi, sur sa capacité à être parents, père, mère. C’est déstabilisant pour les couples.
Caractère
Nous avons longtemps mis sur le compte de son caractère son comportement particulier. Ses bizarreries appelaient une réponse, active, pour tenter de rétablir l’équilibre. Nous ne l’avions pas compris.
Catastrophe
Chaque jour, chaque nuit, j’attends avec inquiétude la prochaine catastrophe.
Catatonique
Elle a intégré une clinique où elle a été suivie par différents services dont le Centre Thérapeutique à Temps Partiel, le CATTP puis l’Unité de Soins Intensifs Psychiatriques, qui est une unité fermée. Après sept mois d’enfermement, nous l’avons récupérée dans un état catatonique. Notre fille a vécu cette période d’isolement de façon vraiment douloureuse. Et nous, n’en parlons pas.
Cauchemar
Même si j’ai repris de l’espoir, depuis sa dernière crise, je m’oublie. Je ne compte pas trop. Je suis dans l’expectative, je recommence à faire des cauchemars.
Cause (à)
Avant, j’avais mal. Quand j’ai appris que c’était une pathologie, ça m’a aidée. Oui, j’étais encore plus en souffrance tant que j’ai cru que c’était à cause de moi qu’elle était dans cet état.
Cautériser
J’avais plein de blessures à désinfecter, des plaies morales à cautériser. C’est son psychiatre qui m’a dit de m’occuper de moi.
Caution
On me répète qu’elle est majeure, mais lorsqu’il s’agit de se porter caution, pour son appartement, l’assistante sociale vient me demander d’être garante.
Centre Communal d’Action Sociale – CCAS
Depuis que ma fille ne veut plus aucun contact avec moi – elle me renvoie même mes colis, et dernièrement, mes lettres – j’ai tenté de me rapprocher des services sociaux qui la suivent, pour essayer de mettre en place une forme d’alliance thérapeutique. Je pensais que je pouvais apporter des éléments susceptibles d’aider à sa prise en charge. Preuve que ce n’était pas si idiot, cette façon d’agir a bien fonctionné tant qu’elle habitait dans son premier logement. Depuis deux ans, elle a déménagé : ce n’est plus possible. Visiblement, les aléas du secteur géographique changent totalement les parcours de vie. Je viens encore de recevoir une fin de non-recevoir, par courrier, de la part du directeur du Centre Communal d’Action Sociale, le CCAS. Il ne s’agit pas d’une lettre tout à fait désobligeante, mais froide : il se contente de me stipuler – au nom du secret professionnel – que ce n’est pas la fonction d’un service de me parler d’une personne malade. Toute l’équipe qui la suit – s’il y a un suivi, c’est même simplement cela que j’aimerais réussir à savoir – se retranche derrière le fait qu’elle est majeure. J’ai appelé le Centre Médico-Psychologique, le CMP de la ville dans laquelle elle habite. J’ai reçu bon accueil. L’infirmière psychiatrique qui m’a répondu était compréhensive. « J’entends votre angoisse. Mais nous, nous ne connaissons pas votre fille. » On devrait pouvoir entreprendre une démarche active. Si seulement un infirmier allait sonner à sa porte, tentait de communiquer. « Vous pouvez écrire au Procureur, pour signaler la situation. » On sait bien que cela n’aboutit jamais. Je pense que son état peut nécessiter une hospitalisation, qui permettrait de mettre en place un traitement. Mais dans ces conditions, inutile de rêver. Le service social me fait dire qu’ils se sont effectivement aperçus que quelque chose n’allait pas. Après trois ans de Revenu de Solidarité Active, un RSA sans aucun projet, il serait temps. Ils précisent qu’ils ne peuvent rien faire. Qui peut agir, alors ?
Centre d’Accueil de Jour - CAJ
Heureusement, il fréquente le Centre d’Accueil de Jour, et ne l’a jamais lâché car cet établissement a un fonctionnement souple, à la carte. Quand il va moins bien, il s’y rend moins longtemps et il n’est pas jugé pour cela. Après, il partage parfois avec moi ce qu'il a vécu au CAJ, sa vie à lui, en compagnie d'autres personnes.
Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel - CATTP
J’ai téléphoné au Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel, le CATTP. J’ai retrouvé là un ergothérapeute qui s’occupe de lui depuis longtemps. Je l’avais déjà rencontré il y a des années. Lui qui n’allait plus à l’hôpital de jour y retourne par ce biais. Il a encore besoin de ce cadre, et c’est suffisant pour l’instant.
Centre d’intérêt
Avec le saxophone, elle a retrouvé un centre d’intérêt : j’ai sauté sur l’occasion. Je lui ai proposé de prendre quelques cours. Quand il y a un concert, je lui propose de sortir.
Centre Médico-Psychologique - CMP
En sortant de l’hôpital, il a continué à se rendre au CMP. C’est ce qui nous sauve. Il a poursuivi là ses soins, régulièrement, sous forme de piqûres. Par bonheur, il semble qu’il accepte ce traitement : il va bien actuellement.
Cerveau
S’il est disposé à parler, il peut être charmant. Quand il travaillait encore, tout le monde le trouvait passionnant. Les gens qui ont été proches de lui ont d’ailleurs du mal à comprendre ce qui lui arrive. Ils pensent que c’est passager, qu’après la descente, il va remonter... On considère que c’est nous qui décidons de notre cerveau. Mais ce n’est pas qu’une question de volonté.
Chance
Par chance, j’ai une bonne relation avec son psychiatre.
Changé
L’ergothérapeute m’a trouvée changée, nettement mieux. Je lui ai dit que je me rends au groupe de parole de l’Unafam. Il m’a répondu : « C’est bien que vous en fassiez partie. » C’est vrai, ça fait beaucoup de bien. Je me sens soulagée. Ça ne résout pas tout, mais ces rencontres permettent d’appréhender autrement les situations, oui, d’avoir une approche différente. Du coup, même au CATTP, pour moi, ça s’est mieux passé qu’avant.
Changement
Tout serait simple si chacun souhaitait réellement un changement. J'arrive à me demander si familles et professionnels veulent vraiment faire ensemble un bout de chemin. J'avoue avoir quelques doutes, quelques désillusions.
Changer
Même s’il a beaucoup de tocs et d’angoisses et qu’il les répercute sur nous – il y a des moments où c’est lourd – on arrive à gérer, maintenant, il est stabilisé, c’est important. Il ne veut surtout pas qu’on lui change un médicament de son traitement.
Chantage
Déjà tout petit, avec l’éducateur qui le suivait, après notre divorce, mon fils faisait ce que j’appelais du chantage.
Charge (à)
Nous l’avons à charge vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept et ce n’est pas sans dégât.
Charmant
Quand notre fils schizophrène vient, il est charmant. Il parle avec nous. Il n’a pas du tout de ces réactions épouvantables, qu’on lit dans la presse, qu’on nous raconte dans les médias. Il suit très scrupuleusement son traitement et cela se passe bien.
Chemin
Les chemins qui conduisent à l’association des familles ayant un membre qui souffre de troubles psychiques, l’Unafam, sont divers. Les jeunes générations semblent venir plus vite chercher de l’aide. Sans doute grâce à Internet, les gens sont heureusement plus documentés que nous ne l’étions autrefois.
Cheminement
C’est un cheminement : la maladie est là, à vie. Mon témoignage n’aurait pas été le même il y a vingt-cinq ans, et j’espère qu’il sera différent dans dix ou trente ans.
Chèque emploi service
Il réalise parfois de petits boulots de jardinage, qu’il se fait rémunérer en chèques emploi service, afin de subvenir à ses besoins. Il a pourtant fait de longues études.
Cheval
J'ai bousculé les habitudes de travail de son soignant. Nous alternons maintenant les rencontres à son cabinet et celles en médiation par le cheval. Dans ce contexte autre, l’animal est un médiateur de la relation. C'est du vivant. On ne peut pas nier son rôle bénéfique, dans ce cas précis.
Chiffre
À un moment donné, tout chiffre correspondait à une symbolique obscure, dans sa vie. Il suffisait qu’une voiture dotée d’une certaine plaque minéralogique se gare devant sa porte et il ne pouvait plus sortir. Il était tétanisé.
Chimie du cerveau
Pour moi, c’est sûr, la chimie du cerveau est en cause. Il avait des difficultés de concentration dès le cours préparatoire. Même s’il restait sage en classe, il était à la limite de l’ouragan en dehors, et surtout, il ne semblait avoir aucun plaisir à apprendre. Un pédopsychiatre n’a néanmoins alors détecté ni hyperactivité ni trouble cognitif majeur, si ce n’est, peut-être, un léger retard du langage caché par un mode d’expression facile.
Choc
Malgré un certain recul, en étant sensibilisée à la question, avec mon père qui a été interné toute sa vie, mon frère qui a fait plusieurs tentatives de suicide, quand j’ai appris qu’elle était malade, ça a été le choc.
Choisir
Ceux qui jugent oublient qu’une maladie, on ne la choisit pas.
Choquer
Personnellement, suite à la loi de juillet 2011 sur les soins psychiatriques, révisée en 2013, ça m’a choquée de voir qu’une décision d’ordre médical était confiée à un juge.
Chroniciser
Nous avons vécu une première tentative de suicide, et j’ai géré au mieux, tout seul. J’ai une formation médicale, à la base : j’ai pris ses constantes, régulièrement. Ma femme voulait que j’appelle les pompiers. J’ai pensé qu’il suffisait de la laisser dormir. Comme urgentiste, j’en ai vu d’autres. Je ne les ai pas sollicités. J’estimais que je pouvais m’en occuper moi-même. Je n’ai pas vu que la maladie était en train de se chroniciser. Je m’en suis beaucoup voulu, après-coup : je me répétais que si je l’avais signalé plus tôt aux médecins, on n’en aurait pas été là. Mais j’ai agi en croyant bien faire, et c’était tout ce que je pouvais proposer, comme solution, à l’époque. Puis notre fille a pris toute une boîte de Lexomil. Ma sœur parle de cinéma. Je ne crois pas. Au final, l’hôpital a dû la garder en réanimation, dans le coma.
Citoyen
C’est bien plus compliqué quand l’enfant devient grand. Un adulte souffrant n’est plus un petit, mais un citoyen.
Clef
Je croyais être l’auteur de ses souffrances. J’en ai pris plein la figure. J’ai passé un paquet de nuits blanches, à l’écouter, pleine de rancune, vis-à-vis de moi, contre sa famille. Je me disais qu’elle avait raison. Je sais maintenant, grâce à un psychiatre que j’ai fini par aller consulter, que je peux agir différemment, au lieu de lui prêter l’oreille tout le temps et de me sentir responsable de son mal-être. Ce médecin m’a donné deux ou trois clefs vraiment utiles.
Cliché
Il n’a jamais bu abusivement. Il ne se drogue pas, non plus : les clichés, sur la schizophrénie, sont légion.
Clientèle
Au plan professionnel, bien sûr, j’en ai croisés, des malades psychiques. Il y en a qui s’écartent, quand ils disent qu’ils sont malades. Il faut dire, des fois, ils ont un comportement étrange. Ils sont différents, ils vont vers les gens, ça leur fait peur. Quand on en a, mes employées ne les prennent pas, c’est moi, ou ma fille, qui nous en occupons. Pour certains malades, ce n’est pas facile. Parfois, après deux ou trois fois, j’ai dit à l’hôpital : « Non, lui, ce n’est pas possible. » Par rapport à la clientèle... Ou je les fais venir à une heure où il n’y a personne. On est parfois confronté à des situations un peu difficiles.
Cloisonnement
Je me dis souvent que le cloisonnement de la souffrance, celle du malade, celle du handicapé, celle du parent, de la sœur, du frère, est absurde : ces difficultés sont toutes différentes et pas nécessairement pathologiques. Elles sont néanmoins bien présentes.
Cloîtré
On ne le voyait presque jamais, il restait cloîtré, tous volets clos.
Clown
Tout petit, au début de l’école primaire, il disait : « C’est mon clown dans ma tête. » Il paraît que ça peut passer. Les médecins ont ignoré cette remarque.
Cohabiter
Nous gérons deux familles éclatées. Nos enfants ne peuvent pas se croiser dans la même pièce ou dans le même véhicule. Mon fils prend ses repas au salon avec son père et ma fille à la cuisine avec moi, ou l’inverse. Nous évitons de les laisser tous les deux seuls à la maison, de crainte que n’éclate un conflit. Tout peut dégénérer : pour accéder à l’ordinateur ou à la télévision... Pour assister récemment à une fête familiale, ma fille a pris l’avion avec son père et moi je suis partie en voiture avec mon fils. Ce fut une exception : en général, nous ne partageons plus jamais les mêmes activités. Comment faire traverser une rivière à une brebis et à un loup, sachant qu’ils ne peuvent pas rester seuls tous les deux sur la berge, ni embarquer ensemble sur le canot ? Nous assistons à ces difficultés en souffrant, car nous voudrions pouvoir cohabiter tous ensemble sereinement, bien sûr. Pour l’instant, nous n’avons pas trouvé de solution adaptée. Nous cherchons. En attendant, toute la famille est rongée.
Colère
Je suis moins en colère contre les soignants aujourd’hui. Lorsque j’ai découvert la maladie, c’était le sentiment le plus fort, en moi, sans doute en lien avec notre impuissance à tous.
Colérique
Ma mère, c’était quelqu’un de plus que colérique. Elle m’en a fait baver. Je ne savais pas qu’elle était malade.
Collaboration
J’ai du mal à comprendre pourquoi pour les équipes de soins il faut sans cesse faire des efforts apparemment énormes afin de travailler en collaboration avec les familles, sereinement. Cela ne devrait-il pas être le B-A-BA ? En même temps, nous sommes tellement à vif, tellement malmenés, rendus hypersensibles par la maladie, parfois même au point d’en devenir susceptibles, que, sans doute, c’est vrai, nous sommes certains jours à prendre avec des pincettes. Peut-être est-ce le cas pour les soignants aussi ?
Collaborer
Après cette grosse crise, je suis allée me réfugier chez des amis. Je ne leur ai pas tout expliqué, juste quelques détails et ils m’ont aussitôt dit : « Il faut que ton mari consulte. » « Il voit déjà un médecin, depuis des années. » « Mais lui a-t-il tout dit ? Vous pourriez peut-être collaborer. » Je suis tombée des nues. C’est grâce à eux que j’ai eu l’idée de contacter son psychiatre, à qui il racontait ce qu’il voulait.
Combat
Il a fait une nouvelle tentative de suicide le jour du verdict, au tribunal. Il avait absorbé différents médicaments. Il a appelé les pompiers en sortant de son état comateux et il a été emmené directement aux Urgences. Ses addictions nous impliquent. Lorsqu’il m’a demandé de l’aide en me disant : « Il faut que j’arrête tout ça », je lui ai répondu : « On va se battre tous les deux et on ne reviendra pas en arrière. » Le combat a été long et difficile.
Comble
C’est un comble, non ? Il m’a dit, l’autre jour : « Tu n’as vraiment pas l’air bien. C’est toi qui aurais besoin de te faire soigner ! »
Commandes (aux)
Il était très mal, plus du tout aux commandes, violent en paroles mais heureusement pas contre moi.
Comme avant
J’essaie d’établir un rapport d’adulte avec mon fils et lui me réclame de rester « comme avant », d’être tolérante, de tout accepter en fait.
Commissariat
Après son arrestation, l’inspecteur, au commissariat, tout peiné pour moi, m’a dit : « Je m’occupe de lui, et après, je vais vous expliquer. » J’ai cru que mon cœur tombait dans mes chaussettes.
Commission d’évaluation
Afin d’obtenir une Prestation de Compensation du Handicap pour mon fils, j’ai été convoquée à la Maison Départementale des Personnes Handicapées à cent kilomètres de chez moi. J’ai dû justifier son absence. Ne pas assister à la commission d’évaluation n’était prévu que pour une personne déficiente mentale ou en fauteuil roulant. Pourtant, pour des troubles psychiques, quelle difficulté afin de les convaincre de venir jusqu’au lieu de rendez-vous et de supporter l’attente. Une fois cette étape préliminaire franchie, j’ai finalement été appelée. Il est terrifiant d’entrer dans une pièce où une dizaine de personnes sont assises, le regard fixé sur vous dans le silence… et l’interrogatoire commence. Ce tribunal d’un genre particulier – c’est ce que j’ai ressenti – a un diagnostic sous les yeux, quelques commentaires sur le passé, et une évaluation à faire concernant le vécu à la maison avec une personne souffrant psychiquement. Les besoins réels semblent bien éloignés de leur représentation. D’ailleurs je crois que les choses sont décidées d’avance, selon des grilles préétablies. Comme toute évaluation, il faut rentrer dans des cases.
Communication
Je ne trouve pas normal qu’il n’y ait pas plus de communication, pour les soins. Il ne s’agit pas de ficher, bien sûr. Mais il faut quand même qu’apparaissent les grandes lignes, pour éviter les répétitions d’erreurs de traitements, par exemple. Les dossiers, certains internes ne les regardent même pas. Le médecin habituel est en congé, eh bien on attend, on ne fait pas suivre au collègue, jusqu’à ce que le drame arrive.
Comorbidité
Il cumule drogue, alcool... et de grosses difficultés psychiques. Où est la cause, la conséquence ? Si seulement je pouvais l’aider. Le psychiatre parle de comorbidité pour tous ces troubles associés. Je n’aime pas ce mot.
Compagnie (bonne)
Je n’ai pas toujours été de bonne compagnie, renfermée sur moi-même. Je leur ai donné du souci, à mes enfants.
Comparable
Tout cela parce qu’il souffre et moi pas. À ses yeux, sa souffrance n’est en rien comparable à celle que nous pouvons nous aussi ressentir.
Compassion
La compassion, par exemple dans les commissions d’évaluation pour la reconnaissance officielle du statut d’aidant familial, ou auprès de nos connaissances, ne dure que le temps de la rencontre.
Complexé
Elle était une adolescente très complexée. Pour calmer ses voix, c’était très dur. Maintenant, avec son traitement, elle dit que ça va mieux. Elle n’a plus qu’une crise d’angoisse par semaine.
Complication
J’ai longtemps excusé son état, ses extravagances. Je me disais qu’elle avait eu une enfance pas simple. Je pensais que c’était normal d’être triste après tout ce qui avait précédé. Je n’ai pas vu venir les complications qui ont suivi.
Complice
J’ai dû faire le deuil de notre relation complice, des moments que je partageais avec lui.
Complicité
Dans la vie, on ne réussit pas en s'imposant mais en créant une complicité où chacun a sa place. Avec lui, c’est pareil.
Compliqué
Tous les aspects de son parcours de vie sont compliqués par la maladie : la recherche d’un logement, d’un travail, le simple fait de rester propre ou d’aller faire ses courses...
Comportement incompréhensible
On n’imagine pas toutes les peurs qui peuvent nous traverser, face à des comportements incompréhensibles.
Comprendre
J’ai fini par comprendre grâce au groupe de parole de l’Unafam que notre situation pourrait être bien pire.
Comprendre (se)
On ne dira jamais assez l’importance de l’humain dans toute cette histoire. Entre proches, nous nous comprenons.
Compromis
Aujourd'hui sera comme toujours un compromis entre les besoins de routine de mon cher malade et mes envies personnelles.
Compte (se rendre)
Je suis la seule de l’immeuble à lui parler un peu. C’est triste, mais les gens – dans cette résidence comme ailleurs – ne se rendent pas compte.
Compter sur
On est profondément seul. Je suis tout le temps en train de me remettre en question. Je ne peux pas m’effondrer, je lutte au quotidien, pour faire bonne figure. Dans le fond, sur qui puis-je compter ? Et elle ? Je sais qu’elle pourra s’en remettre à ses sœurs, plus tard, mais beaucoup de patients n’ont pas de famille.
Conduite à risque
Il adopte régulièrement des conduites à risque. Je n’ose lui interdire de prendre le volant. Chaque fois qu’il est sur la route, je suis épouvanté : il nous a fait un jour cette confidence que la mort ne l’inquiétait pas. C’est une angoisse permanente.
Conférence
Au cours d’une conférence sur la maladie et le handicap psychique, notre fils, invité par l’Unafam, a découvert le mal dont il est atteint. Il le savait, mais il ne le comprenait pas. Si bien que tout a changé pour lui aussi.
Confiance (relation de)
Il a connu plusieurs longues hospitalisations, pendant des mois. Il n’est jamais entré dans le soin. Il ne collabore pas avec les soignants, il n’établit pas de relation de confiance. Il a d’ailleurs fugué de l’hôpital.
Confier
Ce qui est difficile, c’est de ne trouver aucun accueil. Bien sûr, j’ai compris que ce n’était pas très sain de vivre au quotidien avec lui à la maison. Mais à qui le confier ? Je ne connais pas de structure adaptée, ni dans notre région, ni ailleurs. Il existe bien un foyer, mais là-bas, malgré le règlement, il s’alcoolise. Sinon, il ne se supporte pas, seul, dans un appartement ou un studio.
Confirmer
Je n’ai pas encore de bilan médical et cette absence de diagnostic me pèse. Si sa pathologie n’est pas définie clairement, j’aimerais en savoir plus. Je me documente, à ma façon. Je consulte, de mon côté, et je vais régulièrement chercher de l’information sur Internet. C’est impressionnant : j’ai retrouvé la description de son état, sur un site. Exactement son fonctionnement. Donc, j’ai bien une idée. Mais j’attends que le médecin qui le suit depuis douze ans veuille bien me confirmer mon hypothèse. C’est lui le spécialiste.
Confirmer (se)
Quand je rapporte au médecin ou à l’éducateur son quotidien, c’est pour savoir si mes doutes se confirment ailleurs. Afin qu’ils soient plus vigilants, aussi. Je fais le lien, à eux ensuite de poursuivre.
Conflictuel
Elle s’assume comme elle le peut. Avec de l’humour, de la distance et de l’amour, nous avons réussi à reconstruire une relation moins conflictuelle.
Conflit (source de)
Son logement est une source de conflits au sein de la famille. Qu’il soit en foyer ou en appartement, c’est chaque fois à la maison qu’il revient puisque c’est le seul endroit où il se sent en sécurité, et sa maman, dit-il, s’occupe bien de lui.
Conforme
Je ne pouvais pas accepter qu’il relève de la psychiatrie. Il était différent, d’accord. Mais si on devait hospitaliser tous ceux qui ne sont pas conformes. Je refusais de voir la réalité, parce que j’avais peur de tout ce qui était « psy ».
Conforté
Elle a été libérée sur décision du tribunal, ce qui l’a confortée dans l’idée qu’elle était dans son droit et qu’elle n’avait nul besoin de traitement : elle a bien sûr immédiatement cessé de se soigner.
Confrontation
Nous sommes toujours dans la confrontation de nos deux mondes. Il n’admet pas que ce dont il nous parle n’existe que dans sa tête.
Conjoint
Au groupe de parole, je suis touchée par des témoignages de conjoints, démunis, qui savent bien que le divorce est envisageable, mais peut-on abandonner celui ou celle que l’on a épousé « pour le meilleur et pour le pire », au moment où il a tant besoin de soi ?
Connaître
Au fil des hospitalisations, j’ai appris à tenir compte de mes propres limites et à mieux connaître la maladie, ce qui fait partie du début des solutions.
Conscience
Pour lui, c’est une humiliation. Il a parfois conscience de ce poids, qui le retient d’agir, comme s’il souffrait d’une fracture de l’élan vital.
Conseillère en vie familiale et sociale
Elle vivait seule dans un appartement, loin de chez nous. Une pétition a été lancée à son encontre, suite à des nuisances nocturnes (musique, cris lors de crises, odeurs pestilentielles) : elle a pris conscience du voisinage sur un mode persécutif. Elle pensait que les voisins lui voulaient du mal, qu’ils lui envoyaient de « mauvaises ondes ». « Pour eux, je suis la folle », me disait-elle. L’intervention d’une conseillère en vie familiale et sociale a permis d’améliorer les choses et une famille de personnes âgées s’est même prise d’affection pour elle.
Conséquence
Chaque fois que j’ouvre la bouche, je me demande comment ça va être perçu, quelles conséquences ça va avoir. Cette incertitude me mine et fausse nos rapports. Je ne sais plus ce qui est bien, ou pas.
Considéré (être)
L’infirmier a refusé de me donner des nouvelles, puis il m’a demandé : « Et vous, vous avez à qui parler ? » Il m’énerve. C’est de mon fils qu’il faut qu’il s’occupe, pas de moi. Moi j’ai l’Unafam, je vois quelqu’un, je me fais aider. Le comble, c’est que ça, c’était il y a une semaine, et hier, en rentrant, j’avais un message sur mon répondeur, de l’hôpital de jour : la cadre de santé voulait me parler. Ils ont constaté que mon fils ne se soignait plus. Ils ont de gros soucis avec lui. Il refuse les soins, il ne vient plus voir la psychiatre une fois par mois ni n’accepte les visites de l’infirmière, comme c’était convenu. La cadre m’a dit : « Vous ne pourriez pas faire quelque chose ? » C’est à eux de l’appeler. Moi, j’ai tiré la sonnette d’alarme en tentant de dialoguer avec le CATTP, et avec l’hôpital de jour. Ça m’a fâchée. Ils sont gonflés : ils me demandent maintenant d’intervenir. N’empêche, on apprend à se contenter de peu. Pour eux, mon fils est majeur. Mais quand ils ne peuvent pas apporter de réponse, ils reviennent vers moi. Enfin, je suis déjà contente que cette professionnelle m’ait téléphoné. Je suis considérée, tout de même.
Constellation familiale
Notre vie au quotidien est bousculée par sa maladie. C’est un travail constant. Si on ne nous aide pas, nous qui sommes en première ou deuxième ligne, c’est toute la constellation familiale qui est gravement en péril.
Constructif
Je suis fière d’appartenir à l’Unafam. Cette association, constructive et efficace, qui a permis de grandes avancées pour les malades comme pour leurs familles, m’a aidée à comprendre les bouleversements causés dans ma propre vie par tous ces troubles.
Construire (se)
Je me suis dit que j’avais le choix entre continuer à me détruire ou tenter de me construire.
Consultation
Quand nous avons su que notre fils était malade, on voyait bien que ça n’allait pas. Il allait avoir vingt-trois ans. Le psychiatre qui le suivait a voulu que l’on soit informé. Il nous a reçus, avec lui, en consultation. Ça m’a soulagée de savoir que je n’y étais pour rien.
Consulter
Il ne veut jamais consulter, il a peur qu’on le garde. C’est difficile de l’amener à l’idée de soins.
Contact
Il ne fréquente plus personne. En dehors de moi, et encore. Il limite les contacts. Juste le minimum.
Contagieux
Ses tourments peuvent devenir contagieux, si nous ne nous protégeons pas.
« Contaminé » (être)
Elle m’a dit : « J’espère que je n’ai pas enlevé ses amis à ma sœur. Nous avions des copains communs. Il n’y a pas de raison qu’elle soit « contaminée » par ma maladie. »
Continuer
Même s’il ne me répond jamais, je laisse de petits messages, sur son répondeur, des bricoles, juste pour tenter de garder le lien. Je me conditionne, avant d’appeler, afin d’avoir l’air réjoui. Je sais que je n’aurai pas de réponse mais je continue, depuis des années.
Continuité des soins
Je ne veux pas décourager les familles, mais pour l’instant, par expérience, je pense que nous vivons une quasi inexistence de chances d’établir une continuité des soins. Aucune aide ne nous est apportée, même quand on sollicite les soignants. Il devrait y avoir un minimum d’échanges, non ?
Contradictoire
Les silences, puis les diagnostics se sont accumulés, parfois contradictoires. C’est tout sauf apaisant.
Contraignant
Même si nous avons accepté notre vie comme ça, c’est contraignant, parfois éreintant, surtout sur la durée.
Contrat
Après différents Contrats à Durée Déterminée, où il avait réussi à rester, il a refusé le Contrat à Durée Indéterminée qui lui était proposé. Comment comprendre ces façons d’agir ? Et surtout, comment l’aider à accéder à des revenus décents ? C’était bien trop dur : ce CDI constituait trop de stress pour lui. Sur le moment, je lui en ai voulu. Je n’ai pas compris.
Contrebalancer
C’est difficile de penser à moi. Le sacrifice relève de mon éducation, de ma personnalité. Mais, maintenant, je me force à contrebalancer cette tendance. Je prends soin de moi, au maximum. Je fais du ski. Avec mon compagnon, nous multiplions les grandes promenades, en famille. S’aérer, c’est aussi prendre du recul. Retrouver le plaisir de voir pousser les fleurs, c’est essentiel.
Contrecoup
Certains généralistes sont vraiment bien. Le mien, qui a suivi une formation comportementale, est exceptionnel. Quand mon mari a avalé tous ses cachets, il m’a rassurée. Il m’a dit : « Laissons-le dormir, mais vous, je vous donne un rendez-vous. Venez me voir. » Je ne voulais pas y aller. Je n’avais pas conscience du contrecoup, en moi. Il a insisté, et il a bien fait. J’avais besoin de raconter comment j’avais trouvé le père de mes enfants, étendu, les boîtes de médicaments, vides, à ses pieds, à côté de la lettre qu’il nous destinait, et ce que j’avais ressenti.
Contredire
Il passe du coq à l’âne, tout le temps. Et pas question de le contredire.
Contrepoids
Quel contrepoids utiliser ?Je n’ai pas toujours la force d’aller chercher de l’aide autour de moi.
Contrôler
Je ne sais pas s’il ressent de vraies émotions, comme la peine, la peur : il semble contrôler ses sentiments, les enfermer. Lui qui était toujours gai, joyeux, affectueux, avant.
Convenir
En plus de l’impression d’avoir tout raté avec elle, ce qui est douloureux, c’est de comprendre à quel point je suis dans l’impossibilité de trouver des solutions pour la sortir de là. Disons que j’en invente, comme cet appartement, qui me plaisait beaucoup et que j’ai loué pour elle. Elle n’a jamais voulu y dormir. Ce sont mes solutions : logiques, propres, pratiques, de mon point de vue. Pas forcément celles qui lui conviennent.
Conversion
En revenant de cet étrange voyage sans but ni raison, il a fait la connaissance de personnes très religieuses ; il a envisagé la conversion. Nous avons voulu être tolérants, à l’écoute. Ses croyances relèvent du délire, néanmoins ces préoccupations semblaient lui apporter une profondeur spirituelle dont il a toujours eu besoin. Il y trouvait un sens à donner à sa vie et s’y investissait en étudiant avec assiduité textes et prières. Mais comme pour tout, avec lui, cette quête et cette dévotion ont vite été marquées par l’excès, la démesure.
Convivial
Il n’est pas sûr que je puisse assister à des progrès médicaux qui lui permettent de s’en sortir. Mais si déjà on lui trouve un accueil, dans un foyer, s’il était hébergé dans une structure conviviale proche de l’hôpital de jour et capable de lui apporter l’accompagnement rendu nécessaire par son handicap, je serais rassurée.
Coordination
J’ai mis longtemps avant de comprendre qu’il n’y avait pas de coordination entre ses pensées, ses émotions, et ce qu’il m’en laisse comprendre. Tout est désorganisé, par moments.
Coq (faire le)
Il m’appelle, hier, angoissé, mal, me demande de rester près de lui. Quand je suis repassée, ce matin, il était là, tout beau, tout propre, prêt à aller travailler. Il fait quelques heures, en chèque emploi service, sa patronne l’avait appelé. Quand il redresse la tête, comme ça, à faire le coq, c’est moi qui me retrouve stupide. Je pourrais essayer de le faire hospitaliser, mais selon les moments, s’il est comme ce matin, les médecins ne me croiraient pas.
Corollaire
Parfois, je me dis : « S’il n’y avait que la maladie ! Mais dans son cas, il y a l’alcool. » Chaque fois, mon mari me répète que c’est un corollaire de sa psychose.
Corporel
Il parle de ses organes, qui lui ont été enlevés, de telle partie de ses intestins, qu’il faudrait rehausser avec un gros aimant. Je ne comprends pas qu’avec ces idées insensées, ce délire corporel, il n’accède pas à une hospitalisation pour ses vrais problèmes.
Corps (soins du)
La prise en charge de tous ses soucis de santé, non psychiques comme le reste, est équivalente à zéro. N’empêche, c’est important, aussi, les soins du corps. C’est d’ailleurs étrange, ces psychiatres qui estiment qu’ils peuvent être le médecin traitant. Il n’y a pas assez de lien qui garantisse la continuité des soins, d’un domaine à l’autre. Pourtant, voilà qui préserverait un ensemble constructif, autour de sa personne.
Correspondre
La première fois que je suis venue à l’Unafam, j’ai entendu quinze témoignages, et au moins douze correspondaient à ce que je vivais avec mon fils.
Corriger
Nous avons contacté très tôt l’association des familles sur le conseil du médecin psychiatre de la ville où nous vivions alors. Lui-même était un ancien d’un grand centre hospitalier parisien, ce qui lui avait peut-être suggéré cette approche thérapeutique : « Nous allons essayer de corriger les conneries de cet hôpital. » Notre fille y avait été transférée en urgence, alors que nous étions à l’autre bout de l’Europe.
Corvée
C’est sûr, ce serait plus facile, s’il n’y avait pas la maladie. Avec mon conjoint, les histoires de famille constituent un point d’accrochage. Pour lui, la corvée d’aller voir ma sœur schizophrène pèse lourd. Il est présent, avec moi, mais contraint et forcé.
Couler
Je me répète : « Ce n’est pas possible, tu ne peux pas couler. Il n’y a personne pour l’aider. » J’ai envie de baisser les bras, mais je ne peux pas.
Couper
Je lui ai coupé les vivres, j’ai arrêté de lui envoyer de l’argent. C’est une autre étape.
Couple
Le retentissement est évident. Beaucoup de parents ou de conjoints de malades sont séparés. On connaît la chanson : « Courage, fuyons ! » Au niveau de notre couple, nos difficultés ont cessé depuis que notre fils va mieux.
Courant (être au)
L’assistant social aurait répondu à ma fille qu’il n’était pas au courant, pour ce dossier perdu. Comment démêler le vrai du faux ?
Courses (faire les)
En plus du Centre d’Accueil de Jour, nous prévoyons – grâce à des échanges avec l’éducateur, mon fils et moi, chacun de son côté – un accompagnement du Service d’Aide à la Vie Sociale, le SAVS, dans l’idée de l'aider à aller faire quelques courses. Ce sera un accompagnement individuel. Le but est de travailler l'autonomie, parce qu'il a vingt-deux ans et sa maman ne sera pas éternelle. Il faut penser à l'avenir.
Coût
J’ai dû régler pour lui plusieurs fois toutes ses factures. La maladie a un coût, il ne faudrait pas l’oublier, et pas seulement humain.
Couverture
Ils m’ont connue avec mes voix. Je me sens encore un petit peu fragile. Avec quelques membres de la famille, je dis la vérité, mais pas avec les autres. Pour les gens que je rencontre, je fais des études. C’est ma couverture. Heureusement, tout le monde ne sait pas comment j’ai été, avant.
Craquer
Il a encaissé cette situation pendant trois ans avant de craquer, lui aussi, à l’occasion de notre déménagement dans une maison moins vaste que la précédente, ce qui a compliqué les relations entre chacun.
Créer (se)
Peu à peu nous l’avons vu se créer un monde imaginaire. Par exemple, avec des semences potagères, qu’il disséminait sur des lopins de terre : il pensait pouvoir les faire pousser en testant leur capacité à se développer sans eau.
Crier
Il criait, il m’a dit qu’il ne pouvait pas me supporter, que si je ne m’en allais pas, il allait dormir dans la nature ou qu’il ne répondait plus de rien.
Crise
Ce à quoi on n’est jamais préparé, ce sont les situations de crise. Maintenant, je les vois venir, parfois. En même temps, c’est chaque fois différent. C’est vraiment critique. Il vit dans l’abandon le plus complet, mais même si c’est une question de vie ou de mort, je ne peux pas le forcer à accepter d’aller chez le médecin.
Critiquer
Parfois, il se met au balcon et hurle. Si je ne connaissais pas la maladie psychique, je pourrais être comme les autres, à ne pas comprendre la situation. Je le critiquerais. Je ne devinerais pas que la psychose masque sa personnalité et fausse son jugement.
Croire (nous)
Les hospitalisations sont le plus souvent impossibles. Personne ne nous croit, c’est vraiment le parcours du combattant pour mettre en place un minimum de soins.
Culpabilisation
J’étais mère célibataire. Dans les années quatre-vingt-dix, on les stigmatisait encore beaucoup. Les familles aussi étaient montrées du doigt. Les équipes soignantes affirmaient catégoriquement : « Ce n’est pas héréditaire. Changez d’attitude avec lui. » Sous-entendu : « C’est votre faute. » La culpabilisation était partout.
Culpabiliser
La violence, c’est aussi ce à quoi nous sommes confrontés, en tant que proches, quand des équipes nous culpabilisent, ne nous écoutent pas, nous laissent seuls, face à tous ces tracas. Il en faut, du temps, pour se sortir de la culpabilité. C’est même tout un programme. C’est possible. Mais on ne peut y parvenir du jour au lendemain.
Curatelle
Il faut réagir très rapidement, y compris pour la prise en charge sociale, sans quoi les situations peuvent tourner au drame. Dans notre cas, la curatelle s’est imposée.
Curatelle renforcée
Nous avons obtenu qu’il soit placé sous curatelle renforcée. Le juge des tutelles n’a pas accepté la tutelle malgré toutes les grosses bêtises qu’il avait pu commettre et pour lesquelles il se trouve actuellement en détention.
Curateur
C’est une association locale qui s’occupe de son dossier. Le problème, c’est que la curatrice nous a répondu, quand nous lui avons demandé d’accompagner notre fils dans la gestion de son budget « qu’elle n’allait pas gérer notre argent ».
Curseur
Il faut sans cesse remettre le curseur au bon endroit, savoir si on pousse ou pas, et dans quel sens.
Cycle
Ma dernière période difficile a été suivie par un cycle que je résumerai ainsi : « Éclosion printanière du verbe écrire ». L'étincelle de départ provenait de petits morceaux de poèmes joints à de précédents mails. Il faut bien varier les plaisirs créatifs, bien que je sois quand même plus à l’aise avec les dessins. Chose intéressante à signaler : durant cette période, étant passionné et en quête d’inspiration, j'ai pu lire des textes avec beaucoup plus de facilité qu’auparavant. Aujourd'hui, un peu à bout de souffle, j'ai repris mes bandes dessinées.
D
Damoclès (épée de)
Il a eu du sursis, quand il est passé au tribunal. Il a beau avoir cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, il continue de s’alcooliser, il emprunte la voiture de ses copains alors qu’on lui a retiré son permis. Que puis-je faire ?
Danger
Lui qui est en danger imminent lorsqu’il arrête son traitement ne devrait-il pas faire l’objet de cette procédure de soins sans consentement datant de 2011 ? Il n’est pas en sécurité, dès lors qu’il est en proie à ses peurs, soumis à des voix ou à des pulsions difficiles à juguler.
Dangereusement
Elle vivait dangereusement, tant qu’elle n’a pas accepté un traitement qui lui a permis de prendre une certaine distance avec ses voix.
Danse (mener la)
J’aimerais l’aider à aller de l’avant de façon plus constructive, mais c’est lui qui mène la danse.
Débandade
Sa maladie fait que parfois elle a besoin de nous. À d’autres moments, elle nous craint comme la peste. Si j’appelle chez elle, je tombe forcément sur son répondeur. Après, elle rappelle, ou pas. Je me plie à ses désirs d’éloignement, ou de lien, sans poser de question. Sinon, c’est la débandade.
Débloquer (se)
Il refusait de parler à la maison. L’éducateur l’emmenait à l’extérieur, et là, la parole se débloquait.
Débordé
À la Maison Départementale des Personnes Handicapées, la MDPH, les personnels sont débordés. Ils voient arriver tous ces handicapés psychiques, et ont eux-mêmes un immense besoin de connaissances, de formations. Ils ne sont pas prêts. Avant, les malades étaient hospitalisés, cachés. Maintenant, ils sont dans la société et souvent sans ressource, à la rue.
Débordement
Elle est dans un débordement manifeste et dans ces moments-là, on ne peut plus l’atteindre.
Debout (être)
Si je suis toujours debout, c’est aussi parce que je me suis dit : « Il va bien falloir que je prenne de bons moments, pour moi. » Avec mon mari, nous voulons nous en sortir. Nous ne négligeons plus notre vie culturelle. Je participe à une chorale. Au-delà du plaisir du chant, c’est le signe que j’ai retrouvé du lien social, je suis moins étouffée par la maladie de notre fils. C’est essentiel.
Débrouiller (se)
J’ai craqué : « Eh bien maintenant, qu’il se débrouille. Je n’en peux plus. » Et ce matin, j’étais toujours en colère, son frère m’appelle : « Tu ne sais pas ce qu’il a fait ? » Mon benjamin, celui qui est malade, avait téléphoné à sa sœur, qui l’avait contacté lui, l’aîné – il habite plus près – en lui disant de faire quelque chose, vite. Mon fils schizophrène lui a annoncé : « Je vais me suicider. »
Début
Mes parents parlent toujours de sa première hospitalisation comme point de départ de la maladie. En réalité, ça a commencé bien avant. Les débuts ne sont pas les mêmes selon eux, ou à mes propres yeux.
Décalage
Elle était encore mineure, elle a ouvert la fenêtre du salon, et elle m’a expliqué : « Maman, j’entends une voix qui me dit : « Tue-la. » Elle a pu me le dire, alors. Nous étions dans une telle relation de confiance, d’osmose. Nous avons pu en parler et j’ai tenté d’alerter notre médecin de famille. Le problème, c’est ce décalage entre la personne, ce qu’elle représente (j’étais sa mère, elle m’aimait, me le disait par ailleurs) et ce qui se passe à l’intérieur de son cerveau : on lui suggérait de me faire du mal. Personne ne peut imaginer ce qui se passe dans la tête d’un psychotique. J’ai transmis au médecin traitant, point. Elle est restée alors sans traitement.
Décalé
Quand il émerge... il ne se lève qu’en milieu d’après-midi, il vit surtout la nuit : il est totalement décalé.
Décennie
Il y a quelques années, je n’aurais pas pu parler comme cela. J’ai changé, la société aussi. On n’appréhende pas la maladie de la même façon au moment où on la découvre ou quand – comme moi – on a de longues décennies de cohabitation avec elle derrière soi.
Déception
Je suis toujours sous le choc. Il m’avait dit qu’il allait chez son copain du bout de la rue, et je l’ai vu avec un autre gars, alcoolisé, pas du tout sérieux. Quelle déception. J’ai été blessée : « En plus, il m’a menti. » Il avait bu, ils ont fait tous les bars, ensemble. Je me suis sentie trahie.
Décès
C’est comme un décès, sauf que ça dure.
Déchaînement
Le côté spectaculaire de ses déchaînements émotionnels m’affecte, quoi que je fasse pour mettre ces épisodes à distance. Ce n’est pas gagné d’avance.
Décharge
Il a signé une décharge, en quittant l’hôpital : « Tout ce qu’on raconte ici, je le sais déjà. »
Décharger (se)
« Vous payez de vous-même en venant au groupe de parole » nous a dit notre psychologue. En venant là, on se décharge, on donne de soi aussi.
Déchirure
Ce sont des déchirures à n’en plus finir : ma mère ne veut plus voir ses sœurs, qui ne la comprennent pas, c’est sûr. Mais à force de se couper du monde, nous finissons par nous laisser entraîner dans la maladie de mon frère et nous en souffrons tous. Même entre nous, toute relation est devenue plus compliquée.
Déclencheur
Mon mari vient d’un autre pays, notre fils avait à assumer son métissage. Il m’a aussi avoué avoir subi des attouchements dans son enfance : ces éléments déclencheurs pour quelqu’un de fragile, ces complications concrètes de l’existence, qu’il n’arrive pas à assumer, ont certainement joué un rôle dans tout ce qui a suivi.
Décompensation
Quand je l’ai appelé, parce que vraiment je ne parvenais plus à en venir à bout, et que j’ai raconté les différents moments de décompensation qui avaient précédé, son psychiatre m’a dit : « Elle ne m’a jamais raconté cela. » Même si je ne suis que l’oncle, je fais un peu office de père. Je me suis limité à la genèse des derniers délires. Il a cru que je lui reprochais de ne rien avoir vu. Moi, je voulais surtout l’informer, pour que la situation évolue. Le problème, c’est que je ne l’ai eu que par téléphone. J’ai voulu consulter, avec lui, ne serait-ce qu’une fois, pour mettre au point certaines choses. Il n’a jamais voulu me recevoir.
Décompenser
Quand il décompense, ou si je sens que ça va arriver, je suis en état d’alerte maximum.
Déconcertant
Même si c’est souvent déconcertant, il faut faire confiance aux médecins, quand ils sont bons. J’aurais dû pouvoir entendre ce discours il y a vingt-cinq ans.
Décontenancé
Sa grand-mère est décontenancée. Du jour au lendemain, il n’a plus accepté aucun de ses cadeaux, pas même le petit billet qu’elle lui glissait pour les étrennes ou son anniversaire.
Déconvenue
La moindre déconvenue produit sur elle une douleur indicible, disproportionnée. Elle est souvent exagérément meurtrie.
Découragé
J’ai enchaîné combien d’épisodes avant de commencer à m’interroger ? J’étais de plus en plus découragée.
Découragement
Certaines matins, je n’ai plus de force, pour affronter tout cela. Et quand le découragement m’atteint, c’est dur de remonter.
Découverte
Cette découverte de la maladie, je crois que rien, vraiment, ne pouvait m’y préparer.
Décrisper (se)
Je m’accroche à ces témoignages, ces familles chez qui la situation s’est décrispée. Oui, ça peut s’améliorer, ces échecs ne sont que temporaires. Je vois bien que certains parents ont trouvé des solutions. Ils m’expliquent chacun à leur façon comment peu à peu ils ont mis en place des stratégies, ils sont arrivés aux soins, ils ont bataillé pour trouver un logement. Une fille dont le parcours ressemble beaucoup à celui de notre fils se rend maintenant au Groupe d’Entraide Mutuelle, le GEM. Elle revient aux repas et fêtes de famille. C’est encourageant. Surtout que pour certains, et pour elle aussi, au départ, c’était bien pire que pour nous.
Décrocher
Je décroche un peu depuis la mort de mon fils, puis de mon mari, bipolaires. C’est ce que j’ai dit l’autre jour à ma fille – elle souffre de schizophrénie : « Après tout, ce serait à toi de m’aider, à l’âge que j’ai. »
Déculpabiliser
Je ne me sens plus coupable, grâce au travail que j’ai fait sur moi, pendant plus de quinze ans. Cela change le regard, c’est important de se déculpabiliser : on a envie d’agir, de se prendre en main.
Décuplé
Lorsqu’il est en crise, sa force est décuplée. Mieux vaut le laisser tranquille, dans ces moments-là.
Dédramatiser
Contrairement aux premiers temps de la maladie, il m’arrive de plus en plus souvent de dédramatiser les situations vécues dans notre famille.
Défaillant
Il me paraît logique de travailler main dans la main avec les soignants, mais lorsque ceux-ci sont en tort, défaillants, et cela peut arriver, ils sont humains, comme les autres, là aussi, il est essentiel de savoir le reconnaître.
Défaut (faire)
Nous avançons en rêvant chaque fois à l’étape suivante. À partir de ce constat, en acceptant les limites de nos malades, en tant que parents, nous avons bataillé pour mettre en place un SAVS, puis un SAMSAH dans notre ville. Reste maintenant la question du logement, qui fait cruellement défaut dans la région.
Défenestration
Il s’est défenestré de l’hôpital. Je n’ai jamais vraiment su s’il voulait mourir, que ça s’arrête, ou simplement obéir aux voix qu’il entendait.
Défensive (sur la)
Pourquoi reçoivent-ils si mal les familles ? Ce sont parfois des murs. Surtout dans les anciennes générations. Ça va mieux, maintenant, mais certains soignants – comme certains parents, sans doute – sont sur la défensive.
Déferlement
Pour lui, c’est un déferlement d’angoisses incontrôlables. Il est trop mal : « Je vais rentrer chez moi. ». Il s’en va, pour tenter d’échapper à la douleur qui l’envahit. Juste après, il revient.
Défiance
Depuis que nous avons signé pour son Hospitalisation à la Demande d’un Tiers, son HDT, ce que l’on appelle maintenant des Soins Psychiatriques à la Demande d’un Tiers (SPDT), il est dans la défiance, pour tout.
Déformé
J’étais comme tout le monde : j’avais des idées très déformées, je ne connaissais pas ces difficultés. Mais les services non plus ne les connaissent pas, ou pas assez.
Défouler (se)
J’aimerais pouvoir me défouler, et le plus souvent, face à lui, je me contiens. Comme il est malade, je me dis que je n’en ai pas le droit.
Défrayer la chronique
Lorsqu’un fait divers lié aux troubles psychiques défraie la chronique, ce n’est vraiment pas le moment d’évoquer ces sujets.
Dégât
Depuis qu’il a déclenché des troubles psychiques, il casse tout : il avait réussi à se payer son logement, il était autonome – accompagné depuis neuf ans par un éducateur, en raison de son handicap intellectuel léger. Il était salarié, avait une petite copine. Et puis sa maladie psychique s’est brutalement déclarée, et depuis, il n’est plus lui-même, les dégâts s’accumulent. La Prestation de Compensation du Handicap est une mesure d’accompagnement minimum. Avec mon épouse, on n’osait plus aller chez lui. L’état de délabrement de son logement nous faisait trop mal. Un jour, j’en ai sorti trente sacs poubelle. Il faut voir l’état dans lequel il était, un bel appartement comme ça. Il jetait ses boîtes de Coca-Cola par terre. Il les amassait, par dizaines. Maintenant, grâce à la PCH, deux auxiliaires de vie viennent l’aider, en alternance.
Dégradation
Après une telle dégradation, je ne pouvais imaginer qu’elle puisse remonter la pente. Elle va pourtant nettement mieux aujourd’hui. Les dommages n’étaient pas irréversibles, et ça, c’est important.
Dégringoler
Ce sont tous ces points d’interrogation, ces questions sans réponse, qui pèsent. On ne sait pas si ça va dégringoler comme ça pendant dix, vingt ans. C’est très lourd à supporter. Les médecins nous laissent dans l’incertitude. Surtout, ils ne nous disent même pas : « On ne sait pas. » Et nous, nous nous montons des châteaux.
Dégrisement (cellule de)
Je préférerais que d’autres le prennent en charge. On en vient à souhaiter qu’il soit arrêté. On se dit : « Si seulement il était placé en cellule de dégrisement » ou mieux encore... « Si la police le faisait transférer en psychiatrie... » Mais chaque fois, ils le laissent ressortir, sans soin.
Déléguer
Sur le long terme, il faut viser son autonomie réelle. J’ai entendu ce que m’a dit la psychiatre : « Ayez de la modestie, vous ne pouvez pas tout faire vous-même. » Je délègue donc au maximum pour tendre – avec l’accord de mon fils – vers une forme d’indépendance.
Délicat
La difficulté à être soi quand il y a un autre qui ne va pas bien est une question délicate mais si importante qu’il faut la prendre en compte.
Délicatesse
Pour ne pas le blesser, avec mon épouse, nous nous abstenons de pourvoir à ses besoins matériels, même si, avec le plus possible de délicatesse, nous veillons sur lui. Il est si difficile de rester à notre place.
Délier (se)
Dès que l’on raconte, dès que l’on explique, autour de soi, la parole se délie.
Délinquance
J’ai ressenti un de ces sentiments de honte quand il est entré dans la délinquance. Pour l’instant, il n’est jamais passé par une Unité pour Malades Difficiles. Lorsqu’il a été incarcéré, ça a été une étape épouvantable... J’ai encore du mal à en parler.
Délinquant
Le premier psychiatre que nous avons vu nous a dit que c’était un délinquant. Parallèlement, j’ai demandé l’aide sociale à l’enfance et une assistante sociale m’a dit : « Il a plutôt besoin de soins. Sa maladie le plonge tout simplement dans l’incapacité de prendre des décisions allant dans son intérêt. » Nous avons obtenu une mesure d’aide éducative. Tout s’est enchaîné.
Délirant
Il croyait que ses collègues, lorsqu’il pouvait encore travailler, le menaçaient avec des cutters. C’était délirant, ça devenait corrosif.
Délire
Ce n’est peut-être pas bien, mais je suis entré parfois dans ses délires, pour lui faire accepter des décisions. À certains moments, on s’accroche au moindre stratagème. Le problème, c’est que son psychiatre, qu’elle voyait depuis dix-sept ans, avec des interruptions, pas toujours en continu, n’avait rien vu. Il avait pris pour argent comptant tout ce qu’elle lui racontait, sur sa sœur, par exemple, elle qui est fille unique.
Démarche
Lorsque, dès les débuts, j’ai demandé la Prestation de Compensation du Handicap, la PCH, l’éducateur de mon fils et son service d’accompagnement m’ont interrogé. Ils voulaient savoir quelles avaient été mes démarches. La procédure les intéressait, pour d’autres familles.
Démission
Sur un coup de tête, chaque fois, il donne sa démission. Il y a toujours de gentils moralisateurs pour laisser entendre que c’est un fainéant. S’ils savaient comme il est courageux, à lutter aussi vaillamment contre ses démons.
Démissionner
Ma femme a renoncé à sa carrière universitaire. Elle a bien compris que c’était incompatible, pour sortir son enfant de là où il était. Elle a donc démissionné, elle a fait ce choix, et il l’accable sans arrêt, dès qu’il le peut.
Démotivation
Il a commencé à travailler en alternance, à seize ans, en Centre de Formation d’Apprentis. Il devait passer son Certificat d’Aptitudes Professionnelles. Pendant ses trois ans d’apprentissage, il ne s’est pas absenté une journée de son travail et de son école. Il était heureux de ses projets, le CFA lui convenait, et puis, une nuit, il a eu de terribles angoisses, il m’a demandé de l’aide. À ce stade, il était comme anesthésié. Sa démotivation nous est tombée dessus, sans explication. Il n’a jamais passé son CAP.
Démultipliées (forces)
Il ne s’agit pas de stigmatiser, ni d’enfermer abusivement. Mais prendre en compte cette dimension, sans se boucher les yeux, c’est aussi important : ma fille a essayé de m’étrangler, elle m’a enfoncé un caillou dans la bouche. En période de crise, les malades ont des forces démultipliées.
Démuni
À qui passer le relais ? Nous nous sentons démunis, incapables de faire avancer sa prise en charge.
Déni
Les personnes atteintes de troubles psychiatriques sont pour la plupart dans le déni de leur maladie. C’est même un symptôme essentiel de leurs troubles : elles refusent les soins. Mais le déni va au-delà. Il est partout, pas seulement chez eux. Beaucoup de soignants sont drôlement aveugles. Nous, familles, aussi.
Dénoncer
Il a eu une injonction de soins avec suivi socio-judiciaire. J’ai tout fait pour entrer en rapport avec la jeune psychiatre qui le suivait, quand il était à la rue. Il a fallu trois mois avant qu’elle réponde. Je pense qu’on lui avait imposé ce patient. Elle nous a dit : « De toute façon, il est antisocial. » Ou quelque chose comme ça. Elle a ajouté : « Il n’y a pas grand chose à faire, les gens comme lui ne dépassent pas quarante ans. Ils ont des conduites à risque, qui débouchent sur un accident... » Ça m’a mise en colère. Elle nous a assené, péremptoire : « On ne peut rien faire. » Alors, qu’elle ne se dise pas soignante. Ça m’a touché les tripes ! Je crois qu’il faut dénoncer pareilles attitudes. C’est destructeur. Quand j’ai eu cette dame au téléphone parce que notre fils ne suivait plus ses soins, je voulais en parler avec elle, elle nous a répété qu’elle était déjà bien gentille de nous répondre, qu’elle n’était pas obligée de le faire. Et elle nous a demandé : « Pourquoi ne prévenez-vous pas les Services Pénitentiaires d’Insertion et Probation, la SPIP ? » C’était le monde à l’envers. Encore aux familles de tenter d’obtenir une prise en charge. Et toujours menacer, punir, plutôt que de tenter de soigner.
Dentaire
Les problèmes dentaires, comme le reste, peuvent prendre des proportions effroyables. Certains malades, lorsque je vais le voir à l’hôpital, sont très édentés. J’imagine les difficultés pour les décider à franchir le seuil d’un cabinet puis à ouvrir la bouche, en faisant confiance.
Dépannage (structure de)
Adolescent, il fuguait, passait d’un centre à l’autre. Il a été placé provisoirement dans une structure de dépannage, pas du tout adaptée aux troubles psychiques.
Dépendant
Tout en respectant les dosages prescrits par les médecins, évidemment, il vaut mieux être dépendant aux anxiolytiques qu’à l’anxiété.
Dépérir
Je suis tellement en souci. Quand ce n’est pas lui qui dépérit, ce sont ses petits, tous les deux aussi perdus l’un que l’autre. On ne sait pas comment les toucher, ces trois-là. Je les sens drôlement mal. C’est affreux.
Déplacé
Un soir, il a dit qu’il allait ouvrir le gaz. J’ai eu très peur. Le problème n’est pas résolu, il est juste déplacé. C’est nous qui ne dormons plus la nuit.
Dépotoir
C’est tout un être en dérangement. Qu’il soit en foyer, il nomme sa chambre « ma cellule », en appartement, ce dernier se transforme très vite en un dépotoir indescriptible : il mène une vie vraiment dure.
Dépression
Être seule renforce sa dépression réactionnelle. Mais comment l’inciter à aller vers les autres ? Elle me dit : « Je ne suis pas déprimée mais ça fait quatre jours que je pleure. »
Déranger
Petit à petit, elle n’a plus répondu à mes messages. Ni à ceux d’un autre ami, avec qui il lui était encore possible de communiquer, avant. On allait sonner à sa porte. Notre copine semblait ennuyée par nos tentatives de visites. On n’a plus voulu déranger.
Déraper
Il arrive que nous nous laissions bêtement entraîner – verbalement, et tout dérape. Après, je le regrette.
Désaccord
Je sais maintenant que je ne peux pas vivre à sa place. Aussi le laissons-nous faire, même quand nous sommes en désaccord.
Désarroi
Adhérente et bénévole de l’Unafam, je suis représentante des Usagers dans un établissement hospitalier. Bien des parents ne comprennent pas que leurs enfants soient sortis de l’hôpital au bout de quinze jours. Et encore, parfois plus vite encore, quand ce n’est pas le jour même. Pour la famille, quel désarroi ! Il faut alors recommencer les démarches compliquées de l’hospitalisation, les enfants arrêtent leur traitement. Un cas récent s’est terminé tragiquement : le patient concerné s’est suicidé. Ce n’est hélas pas un fait isolé.
Désespérant
Son oncle, qui est chercheur au CNRS et travaille beaucoup avec les psychiatres, puisque son domaine de recherches a à voir avec les neurosciences, est dans le déni total. C’est désespérant.
Désespéré
J’ai vu évoluer des proches, qui arrivaient au groupe de parole, désespérés, et qui maintenant savent qu’un lieu-ressource existe quelque part, où déposer leur peine, leur révolte, où demander de l’aide et de l’écoute.
Déshospitaliser
Non seulement je n’étais pas préparée à cette situation, mais j’avais plein de préjugés dans ma tête. Je craignais par exemple qu’on l’hospitalise à vie. Après, quand j’ai vu combien il était difficile de le faire soigner, mes principes du départ ont explosé. Aujourd’hui, on déshospitalise plutôt bien trop vite. Pire, on non-hospitalise.
Désinhibition
Les limites ne sont plus les mêmes. Dans ses moments d’agitation, elle va sonner chez les voisins en chemise de nuit. Que ce soit de l’impudeur, de l’exhibition, de la désinhibition, pour moi c’est choquant.
Désintérêt
Elle ne pratiquait même plus la danse, qui la passionnait quelques années plus tôt. Ce désintérêt, parmi d’autres signes, a commencé à nous tracasser.
Désordonné
Son attitude, agréable au début, est devenue peu à peu désordonnée : alcool, drogue, nuits blanches avant la reprise de son travail, tout s’est cumulé.
Désorganisation
Débordement, désorganisation, à sauter d’un sujet à l’autre, c’est épuisant quand il est ainsi. Tout notre quotidien en est secoué.
Désormais
Je sais lui dire non, désormais. Je réussis à lui expliquer : « Je ne suis pas en état de te recevoir : il m’est difficile de supporter la cigarette, ton foutoir. » Ça n’a pas toujours été ainsi.
Déstabilisant
Toutes ces incertitudes sont des éléments bien déstabilisants. On gravite tant bien que mal autour de la personne malade et pourtant il y a soi, les frères et sœurs.
Déstigmatiser
Nous ne sommes pas pour nous cacher. Vous pouvez indiquer notre identité, clairement ; nous n’avons pas honte et nous souhaitons déstigmatiser ces maladies. Je veux témoigner à visage découvert, afin que la maladie psychique ne soit plus un tabou.
Destructeur
Il y a vraiment eu des épisodes destructeurs dans notre histoire familiale. Le handicap met gravement en péril l'équilibre général.
Destructivité
Les tonalités négatives de son humeur me blessent. Surtout que nous avons un lien d’attachement très puissant, et la destructivité qui l’habite me fait mal.
Détecter
La première fois qu’il a été hospitalisé, c’est le généraliste qui a détecté le problème. Il a vu comment je me débattais, aussi.
Détention
Elle a commis une grosse bêtise, et depuis, arrêtée juste devant chez ma mère, elle est en détention. Imaginez ce choc pour sa grand-mère – sans parler de moi.
Détresse
C‘est comme si certains « amis » craignaient que notre détresse ne les contamine.
Détritus
Il ne restait pas un centimètre carré vide, entre les journaux, les livres qui formaient des murs. Elle vivait entourée de bougies, avec le risque constant d’incendie, la crasse, des déchets de toute sorte, du linge sale, mouillé, moisi. Le lit était devenu refuge, lieu de vie et j’ai cru voir Job, ou Diogène, sur son tas de détritus.
Dette
On a eu de vrais soucis financiers. Il a fallu payer ses dettes, remplacer ce qu’il cassait. L’argent n’est pas inépuisable. Il avait encore tout détruit, dans un moment où il n’était plus lui-même. Son appartement était réduit à néant : le propriétaire a voulu qu’on le rembourse, il a fallu tout remplacer. Il avait tout saccagé, sa télévision, son ordinateur : il n’avait plus rien. Il avait bu deux bouteilles de whisky, dans la journée, il était complètement perdu, il voulait mourir. Je ne savais pas comment réagir. Que lui dire de plus ?
Deuil
Ce sont des deuils successifs. J’ai d’abord cru qu’il pourrait travailler. Il n’a pas tenu le coup. J’étais triste quand son éducateur l’a fait entrer dans le milieu protégé, l’entreprise adaptée. Mais même dans cet environnement particulier, ça n’a pas pu durer. Il faisait un travail administratif, à sa portée, ouvrait les courriers, préparait les salles de réunion. Dans ces grandes sociétés, il existe une culture du handicap : eh bien malgré des postes taillés sur-mesure, sur trois ans, il a dû cumuler deux années d’arrêt de travail. Sa maladie a progressé. Avec ma femme, nous l’avons récupéré aux Urgences. Ils nous ont parlé d’hallucinations. Ça a été pour nous le début de la fin. Après, tout s’est effondré. Quand il s’est retrouvé en invalidité, ça a été très dur pour nous : handicapé de deuxième catégorie. Et la sécurité sociale vous lâche un royal : « L’état de votre fils est stabilisé. » Il était réformé, et à mes yeux, alors, il était foutu, on ne pouvait plus rien en faire. À ce stade, nous n’étions pas encore au bout de nos peines.
Dévaloriser (se)
Je passais par des émotions de peur, de honte, de faiblesse. Je me dévalorisais et en plus, avec ce sentiment d’impuissance, qui ronge, j’étais sur le point de me détruire à mon tour. Heureusement, j’ai trouvé peu à peu des pistes, pour me reconstruire.
Dévasté
Après une crise particulièrement violente, au cours de laquelle il s’était fortement alcoolisé, il a dormi pendant quatre jours. Quand il s’est réveillé, il a voulu recommencer à boire. Il a vu son appartement, la pièce dans laquelle il avait fait sa tentative de suicide, quelques jours plus tôt, totalement dévastée, et il s’est dit : « Ça ne peut plus durer. » Il est allé de lui-même à l’hôpital psychiatrique. Il leur a demandé de le garder jusqu’à ce qu’il puisse partir en cure de désintoxication. Il avait jeté son dossier d’admission. L’assistante sociale a refait tous les papiers avec lui.
Devenir
J’ai conscience de l’absurdité de la peur et pourtant je me laisse dévorer par elle, je deviens la peur.
Deviner
Quelques uns de mes amis ont fini par comprendre et m’ont bien soutenue. Surtout que je ne suis pas quelqu’un qui s’exprime facilement. Il faut qu’ils devinent, entre les lignes. Quand rien ne va plus, je dis : « Je suis un peu fatiguée. »
Devoir
C’est notre rôle d’aidant familial. Nous nous investissons au quotidien par choix, ou par devoir, parfois. L’amour pour notre malade ne suffit pas toujours.
Dévouement
Je ne sortais plus, dévorée par cette histoire. Heureusement, notre médecin traitant, qui suit mon mari régulièrement, avec beaucoup de dévouement, et il en faut, a été vigilant.
Diagnostic
Chaque fois que j’entendais ce diagnostic, pour mon fils, schizophrène, j’avais l’impression de prendre des coups. Personnellement, une part de moi est morte depuis les débuts. Pareil pour mon épouse. Un jour pousse l’autre. Je suis souvent sans projet. Sans être dans le déni, on avance, mais c’est dur. On ne peut plus ne pas être dans sa proximité. En même temps, curieusement, maintenant qu’on a détecté une pathologie plus lourde, je me sens mieux armé pour tenter de trouver des solutions. Je sais contre quoi batailler. Je me documente.
Dialogue
Nous ne pouvions plus du tout communiquer. Depuis que nous allons ensemble voir son psychiatre, le dialogue passe mieux. Ce thérapeute a su favoriser les conditions d’une rencontre possible, plus apaisée, entre nous.
Dialoguer
Je suis parfois en colère face aux professionnels qui le suivent. Non pas contre eux, j’ai de la chance de les avoir. Seulement, il est nécessaire d’inventer et de créer d’autres espaces où nous pourrions dialoguer. Tous les débats, les colloques ne font qu'effleurer les problèmes en donnant de faux espoirs. Ce n'est la faute à personne en particulier mais au collectif. L’échange nécessite d'être deux.
Dieu (se prendre pour)
La psychologue m’a beaucoup aidée, en me disant que si j’étais restée avec quelqu’un dont je connaissais les fragilités, puisqu’il était déjà malade lorsque je l’ai connu, c’est que : « Vous vous preniez un peu pour Dieu. » Cela fait bizarre, mais c’est vrai. Désormais, je sais qu’il est impossible, simplement par amour, de le sauver. Il faut se sauver soi et laisser les autres, les professionnels, tenter de l’aider lui.
Différemment (exprimer)
Je ne vais pas bien, mais mon mari non plus. Il l’exprime différemment. Ce qui est difficile, c’est qu’on sait qu’on en prend pour la vie.
Difficilement
Les gens qui ne connaissent pas les troubles psychiques me comprennent difficilement, voire pas du tout. Ils croient parfois que c’est moi qui ai besoin de soins, quand j’essaie de raconter ce que nous vivons.
Difficulté
Elle vient de craquer, arrivée en dernière année. Le ciel nous est tombé sur la tête. Rien ne laissait présager pareilles difficultés.
Diluer (se)
Nous courons le risque de nous diluer, au contact de tant de souffrance.
Digne
Ma fille, schizophrène, va mieux. Malheureusement son frère vient de mettre fin à ses jours, après une rechute d’une dépression que nous pensions derrière nous. Il se trouvait à l’étranger. Certains symptômes auraient pu nous alerter. Je ne sais pas ce qui lui est passé par la tête pour se jeter du balcon du quatorzième étage. Il se doutait – s’il nous appelait au secours – que son appel le conduirait en psychiatrie adulte, ce qu’il refusait totalement, pour avoir été très mal accueilli sept ans plus tôt. Il ne s’agit pas de polémiquer mais si son accueil en dépression avait été autre, d’une façon aussi digne que lorsqu’on reçoit un patient en hôpital général pour un trouble somatique, peut-être n’en serions-nous pas arrivés là. Je suis triste qu’il y ait en France deux poids deux mesures en matière de soins.
Diminuer
Elle n’était pas bien, depuis des semaines. Elle devait le cacher en consultation : au fil des rendez-vous, elle a réussi à faire diminuer son traitement, ce qui ne lui a pas réussi, du tout.
Diminution
C’est comme s’il y avait des trous, dans sa pensée. Cette diminution de la gamme de ses émotions, le fait qu’il les exprime moins, ou de façon décalée, l’éloigne de nous.
Discontinu
Dans l’urgence, on ne pense à rien. Mais après, on se dit que les voisins ont tout vu, forcément. L’épuisement naît de la répétition, de l’absence de solution : cette prise en charge aléatoire, discontinue, en pointillé...
Discuter
Je parle beaucoup, je ne reste pas enfermée. Discuter, malgré la peine, c’est un soulagement.
Disponible
Il faudrait être disponible sept jours sur sept. Ma demande de retraite s’est faite juste quand on a décelé la gravité de sa maladie. Si je travaillais encore, des parties de mes journées seraient occupées autrement. Serait-ce mieux ? En même temps, je suis là.
Dissolution
Sa détresse émotionnelle s’exprime ainsi, elle est dans la dissolution, les pertes de limites, et moi, je fais quoi, avec ses hallucinations parasitaires ? Heureusement, ma psychologue me fait du bien. Avec elle, j’ai moins « le nez dans le guidon ». Elle m’aide à prendre du recul.
Distance
Je me suis plongée dans la psycho-généalogie. L’histoire de ma famille, que j’écris, c’est quelque chose que je veux transmettre à mes nièces, à ma fille, au petit-fils de mon compagnon. Pour moi, la transmission est importante. Je fais un travail en profondeur afin qu’il n’y ait pas un vide. Par ailleurs, la philosophie me permet de prendre les choses avec plus de distance, j’apprends à faire avec, dans le ni pour ni contre. Heureusement que j’ai trouvé cette voie, sans quoi je ne m’en serais pas sortie, ni physiquement, ni moralement.
Distendu
Aujourd’hui, il ne souhaite plus me rencontrer. Nos relations se sont distendues et la communication est malheureusement interrompue. Néanmoins, il se rend avec régularité au Centre Médico-Psychologique, où sa prise en charge médicale est assurée, c’est l’essentiel.
Divorcer
Si j’avais écouté la psychiatre du Centre Médico-Psychologique, je ne serais plus avec lui. Elle m’a dit, une fois : « Si vous ne supportez plus sa bipolarité, faites comme soixante-dix pour cent des couples touchés : divorcez ! » Le médecin qui suivait mon mari, à l’époque, lui a suggéré de son côté : « Vous souffrez de la solitude ? Eh bien, prenez une maîtresse. » C’était pratiquement le même jour, on a ri, tous les deux quand on en a parlé, le soir : « Ils sont complètement fous, ces soignants. » C’était incroyable. Heureusement, nous nous entendons bien.
Document informatif
Dans un second temps, j’ai reçu un courrier émanant de la Direction des Usagers m’informant qu’il bénéficiait d’un programme de soins, sous contrainte, en ambulatoire. J’ai dû consulter Internet afin de comprendre de quoi il s’agissait, n’ayant aucune envie de rappeler cette Direction, compte tenu du manque total d’écoute et d’explication auxquels je m’étais heurtée lors de mon précédent appel. Un comble, de la part d’une « Direction des Usagers ». Quant à mon fils, je ne sais quelles précisions lui ont été données par rapport à cette procédure. Il m’a remis lors de ma première visite, sans faire de commentaire, une décision d’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers et deux décisions de maintien. Il ne paraissait pas comprendre de quoi il s’agissait. J’ai vécu cette expérience de façon douloureuse, bien entendu en raison de sa rechute, mais aussi à cause du manque total d’information de la part de l’hôpital, à propos de cette nouvelle loi. Il suffirait de remettre au tiers, au moment de la signature de la demande d’hospitalisation, un document informatif, clair, quant à ces dispositions.
Documenter (se)
C’est en me documentant, en écoutant des malades, à la radio, à la télévision, en lisant, sur Internet, en rencontrant d’autres familles, que j’ai admis qu’il est traversé par des forces qu’il n’arrive pas à faire cohabiter sereinement, ensemble, en lui.
Dogmatique
Quand il devient exagérément dogmatique, je le laisse à ses discussions, je ne cherche plus à le convaincre. Je sais que c’est inutile.
Domicile familial
Après diverses tentatives, en foyer notamment, il a rechuté, puis il a connu une nouvelle hospitalisation. Ensuite, il a refusé totalement l’idée d’un appartement, et il a souhaité le retour au domicile familial, où il se sent dans un cocon. Il vit sa vie non pas avec, mais à côté de nous. Il se gère.
Dommages collatéraux
Longtemps, je n’ai pas voulu me faire aider. Les dommages collatéraux étaient là pourtant. Toute notre famille souffre, sur plusieurs générations. Je répétais : « C’est ma fille qui est malade. » C’était vrai. En attendant, j’allais très mal. Maintenant, elle va voir sa psychiatre, et moi un psychologue.
Dompter
En tant que père d’une jeune femme souffrant de troubles psychiques graves depuis plusieurs années, mon chemin est difficile. Surtout que les problèmes de ma fille ont souvent prise sur moi. On sait que ça va être dur. On croit toujours qu’on commence à dompter la maladie. Six ans après, quinze ans après... Et puis ça revient.
Donner du sens
Avec mon épouse, nous avions besoin de donner du sens à notre vécu. Aussi nous sommes-nous engagés dans le tissu associatif. Voilà qui nous a permis de beaucoup recevoir.
Donner le change
Ce qui rendait les soins quasi impossibles, au début, et ça, c’est vraiment propre à la psychiatrie, c’est qu’elle sait très bien donner le change, devant les soignants, ou d’autres personnes.
Dormir
Il ne dort qu’une nuit sur deux et m’appelle à heures fixes plusieurs fois par jour pour se rassurer. Quand il vient partager de petits moments avec nous, c’est qu’il va mieux.
Dosage
Avant qu’ils ne trouvent le bon dosage, ça a été affreux. Il était devenu un légume ; méconnaissable, tout mollasson. Ça n’aide pas à accepter le traitement, même pour nous, de l’extérieur. Si on nous avait expliqué ces difficultés, au départ, j’aurais mieux accepté qu’il ressemble, les premiers temps, à un zombie. J’aurais peut-être pu patienter, autrement, pendant ses rechutes.
Dossier
Il aurait eu des droits, mais il refusait tout. Pendant des années, il n’a pas voulu remplir le moindre dossier : puisqu’il n’était pas malade. Lorsqu’il avait réussi à tenir dans certaines postes, il ne voulait pas s’inscrire à Pôle emploi, après, demander le chômage. Alors, solliciter de l’argent de la société en tant qu’adulte handicapé, c’était encore plus impensable. Les aides au logement, la sécurité sociale, la complémentaire : rien, il n’acceptait rien. Je peux bien l’encourager à remplir le dossier pour son logement, par exemple. L’épauler pour rassembler les documents. Il ne l’envoie jamais. Nous ne dépassons pas ce cap. Pour les soins, c’est exactement le même refus. Il est convaincu qu’il n’est pas malade. À la limite, c’est nous qui lui paraissons ne pas tourner rond.
Double savoir
Mon état de soignante m’a aidée, par rapport à des personnes qui ne savent rien du tout, mais en même temps, cela a compliqué mon rapport avec les équipes. Ils ne me croyaient pas, quand j’essayais de les alerter, régulièrement. Je voyais bien que ma parole n’était pas prise en compte. Pourtant, j’avais ce double savoir, de mère et d’infirmière, présente au quotidien, qui faisait que je pouvais leur apporter beaucoup. À la première crise, je veux bien qu’on n’écoute pas les parents. Et encore. Mais quand cela fait dix fois, la répétition devrait finir par rendre plus à l’écoute, non ?
Doucement (tout)
Je le sens progresser, tout doucement, à son rythme. Je le devine plus solide. Il n’en est pas à vivre seul, mais ça va venir. On y travaille.
Douceur (avec)
Une fois, notre voisin qui souffre de troubles bipolaires s’est mis en tête de changer les tuiles de son garage, il était alcoolisé. Sa femme, affolée, m’a dit : « Il va tomber, il faut le faire descendre. » Je lui ai parlé, avec douceur. Finalement, il a demandé à son épouse de contacter son psychiatre, il n’était pas bien.
Douche froide
Notre soulagement ne durait jamais longtemps, au début. Nous avons appris à craindre ces moments de répit, où on croyait que l’on avait sorti la tête hors de l’eau. Parce que le soulagement n’était souvent que ponctuel et après, la douche froide encore plus glacée. Maintenant, ça va mieux.
Douleur
Sa douleur me fait tellement mal. Je voudrais pouvoir inventer des solutions. C’est l’impuissance qui tenaille.
Douloureusement
Il est arrivé que l’hôpital la laisse ressortir juste après, très vite, quelques heures à peine après que j’ai – douloureusement – accepté de signer l’Hospitalisation à la Demande d’un Tiers. J’étais à peine rentrée, elle était à nouveau là, à me harceler. Ma fille – alors pas du tout stabilisée – m’a reproché d’être une mère indigne, d’avoir voulu la faire enfermer.
Douter
Quand il me dit, lorsque la maladie prend le dessus sur lui : « Je n’aurais jamais dû t’épouser, je n’aurais pas dû faire des enfants avec toi. », c’est affreux. On finit par douter de soi, de ses choix de vie.
Doux (filer)
Tant que je vais dans son sens, ça va. Mais je vais me faire frapper si je lui parle de psychiatrie. Je file doux avec elle. J’en ai un peu peur.
Drame familial
J’habite une maison isolée. Pour me défendre, j’ai failli lui faire du mal à mon tour, avec un tournevis. On aurait parlé d’un « règlement de comptes familial », nous aurions alimenté les faits divers. Mais c’était la maladie de ma fille qui la faisait agir ainsi, et personne ne m’aidait, à l’époque. Les gendarmes – que j’ai dû appeler – ne m’ont même pas proposé de porter plainte. Ils savent sans doute que la famille se tait, subit. Malgré la gravité de ses actes, ils ont fait un constat, c’est tout. Dans les médias, ils parlent de drame familial. Quand on en arrive là, c’est que la maladie a creusé son sillon. On parle de famille « discrète », sans problème. Le hic, c’est que les troubles psychiques sont souvent le fait de gens secrets, avec des dysfonctionnements à bas bruit, que les autres, à l’extérieur, ne peuvent pas discerner, jusqu’au jour où tout dérape.
Dramatisation
Nous avions alors atteint le dernier stade de l’épuisement, et c’est nous qui en serions morts, à force. Il y avait une telle dramatisation, tous les jours. Est-ce lui qui va moins mal – les médicaments sont mieux dosés, il accepte surtout de les prendre, le plus souvent –, est-ce nous qui réagissons autrement ? Il ne vit plus à la maison, non plus. Sa présence au quotidien était vraiment pesante. Globalement, de progrès en progrès, la situation est bien meilleure.
Drogue
Comment réagir quand mon fils – alors qu’il se trouve en détention – me dit : « Pourquoi me parler d’arrêter la drogue ? Tu sais, tout circule, ici, même la blanche. »
Droit de regard
On craint tout le temps le jugement des soignants. Ils ont un droit de regard sur notre vie, nos relations...
Dur
Quand j’ai dit au psychiatre que je n’aurais pas dû m’exprimer ainsi devant mon mari malade, il a soupiré : « Je vous comprends. C’est vraiment dur. »
Durée
Nous vivons autour de lui. Plus rien d’autre ne compte. La famille nous dit : « Il est bien assez grand ! » Nos amis répètent : « Pensez à vous. » Mais c’est impossible, je ne peux pas partir, m’éloigner. Tiendrons-nous ainsi, dans la durée ?
Durement
Il faut aussi savoir refuser la pression des services de soins, des accompagnants sociaux. Où est le bon équilibre ? Parfois, on me rappelle durement que mon fils est adulte. À d’autres moments, tout le monde compte sur moi pour gérer le problème. Il a été arrêté, et quatre mois plus tard, alors que je n’avais jamais réussi à avoir le moindre contact avec lui, un appel téléphonique d’un professionnel de la maison d’arrêt m’a proposé de l’accueillir à nouveau à la maison, muni d’un bracelet électronique. Je n’ai pas pu accepter cette proposition. La vie au quotidien avec un malade psychique n’est vraiment pas de tout repos. Imaginez comme je suis brisée à cette idée. Je suis très inquiète de son état mental à son retour, d’autant qu’il n’a reçu aucun soin depuis des années.
Durer
Si elle a un travail, ça dure au mieux trois ou quatre mois, puis ça pose problème. Elle ne peut travailler que seule. Et encore.
Dysfonctionnement
Certains croient que c’est le caractère, la prise de cannabis ou des traumatismes du passé qui sont en cause, ils ne peuvent admettre que c’est une maladie qui cause tous ces dysfonctionnements. Ma famille le traite d’alcoolique. Quand il est abstinent, ils pensent que tout est réglé.
Dysharmonique
Certains soignants évoquent des « troubles de personnalité dysharmoniques », d’autres me disent qu’il est « bipolaire », d’autres encore parlent d’« une schizophrénie » de je ne sais quel type... Comment savoir ? Cette variabilité du diagnostic m’affole.
E
Ébriété
La psychologue me dit que c’est une mise en scène qui s’adresse à l’autre, peut-être même à moi-même, tous ces passages à l’acte, en état d’ébriété, qui le mettent en échec, en danger, sur la voie publique. Elle pense qu’il cherche la loi, les limites. En attendant, je me dis qu’il va finir comme ça.
Écarter (s’)
Mon environnement relationnel, amical, veut bien me fréquenter. Mais s’il y a mon fils, on s’en va. Même dans le cercle familial, quand on sait, on s’écarte. Je n’ai qu’une amie qui lui parle, quand elle le voit, dans la rue. Avec naturel. C’est une personne sympathique, gentille. Elle le reçoit comme il est. C’est bien la seule. Nous avons tous besoin d’aide, chacun à son échelle. Rares sont ceux qui nous tendent la main.
Échec
Il a un comportement très agressif avec nous. En particulier avec moi : il profère des insultes, des menaces. Son petit frère pleure, ne le supporte pas. Avec mon compagnon, cela empire. J’ai la faculté d’évacuer ce qui me pèse trop, mais, pour moi, ce serait inconcevable d’imaginer une aggravation. Je ne veux surtout pas faire de bilan, ni en regardant en arrière, ni en cherchant à me projeter en avant ; je vis au jour le jour. Je me dis : « Qu’est-ce que j’ai comme vie ? » Du haut de mes quarante-sept ans, c’est vraiment le sentiment d’échec qui domine. Fiasco total avec mon aîné. Pourtant, je me suis démenée.
Économie
Une fois, elle claque toutes nos économies et celles de sa mère, veuve depuis deux ans. Une autre fois, elle s’achète une voiture, sans en parler à quiconque et surtout pas à moi.
Économiser
Maintenant, j’ai pu prendre la distance nécessaire. Mais il a fallu tellement d’années. J’aimerais pouvoir économiser toutes ces souffrances à d’autres familles. Une schizophrénie, bien traitée, avec un neuroleptique pris régulièrement, sans arrêts intempestifs, dans une relation de confiance, peut être stabilisée.
Écoute
Je vois un psychiatre en libéral, à l’extérieur, mais ce groupe de parole de l’Unafam m’apporte bien plus. C’est un lieu d’écoute en sympathie.
Écouter (s’)
Ce qui est vraiment difficile, c’est d’exprimer ma propre souffrance. Je suis tellement aux aguets, face à ces problèmes, que je prends l’habitude de ne plus m’écouter. Je ne laisse plus rien sortir de moi.
Écriture
Il se rend maintenant avec plaisir au Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel, le CATTP. Il collabore à des ateliers d’écriture. Ils fabriquent ensemble un petit journal dont il est très fier, et moi aussi.
Éducateur
C’est une béquille de plus. Son éducateur est quelqu’un qui a du recul. Il joue un rôle pédagogique irremplaçable. Mon fils l’appelle à tout bout de champ, même pour un chagrin d’amour. C’est mieux qu’il sollicite ce monsieur plutôt que nous.
Effet (faire)
Il faut plus de quinze jours pour que le traitement fasse effet, trois semaines, même, surtout lorsque la personne a été un long moment sans soin. Ce temps pour agir est pernicieux. En général, mon frère arrête avant que le moindre bienfait ait pu commencer à apparaître.
Efficace
Elle me rend maintenant visite un week-end sur deux. Elle est entourée par un réseau efficace et attentif, mes relations avec elle sont bonnes.
Effondrer (s’)
On ne s’y attendait pas. Du jour au lendemain, c’est toute une vie qui s’effondre. Ses projets ont dû être revus, un à un. L’apparition des premiers troubles nous a éberlués. Tout était parfaitement normal avant le moment où elle a déclenché sa maladie, vers vingt-deux, vingt-trois ans.
Effort
Encore, quand j’ai la force d’être en colère, je me dis qu’il me reste de l’énergie. C’est pire quand je n’ai plus du tout de réaction. Je suis furieusement remontée, en ce moment, contre le système. Même en prison, la loi actuelle ne permet pas de soigner quelqu’un qui le refuse, alors que c’est par maladie qu’il dit non à tout. Dès qu’il prend un traitement, il va nettement mieux. Sur l’ordonnance – j’aime bien l’ambiguïté du mot.... – sur l’ordonnance, donc, statuant quant à l’octroi d’une réduction supplémentaire de peine, il est écrit à propos du Service Médico-Psychologique Régional ou « intersecteur de psychiatrie en milieu pénitentiaire », le SMPR : « Refus de soins ». Comment, dans ces conditions, espérer que mon fils sorte en meilleur état après pareille expérience ? D’ailleurs, le Juge d’Application des Peines a coché à la fin la case : « N’a pas justifié d’efforts suffisants de réadaptation sociale et ne saurait donc bénéficier en l’espèce d’aucune réduction de peine fondée sur l’article 721-1 du code de procédure pénale. » Bien sûr, il n’a pas pu faire ces « efforts » : il est malade. Et pas soigné... « Quel manque de volonté ! » Allez reprocher à quelqu’un, amputé de ses deux jambes, de ne pas courir.
Effroi
Je suis passée de l’effroi à la résignation, avec plein d’étapes intermédiaires.
Égalité
C’est un travail d’équipe, dans lequel – il ne faudrait pas l’oublier – nous sommes tous à égalité, pour combattre la maladie.
Électron libre
Fonctionner en électron libre a ses charmes, mais m’a fait rencontrer l’insécurité affective, l’angoisse, l’impression de ne pouvoir compter sur personne et de ne compter pour personne.
Éloigner (s’)
Je l’ai toujours connu comme ça, plutôt stabilisé. Il fait une crise tous les cinq, six ans. Il s’éloigne, on ne le voit plus, dans ces moments-là. Mais je sais qu’après, en général, il revient.
Embûche
Ce papa nouveau venu qui s'est exprimé au groupe de parole commence un parcours qui sera forcément semé d'embûches. Mais il n'est pas aussi effrayé par ce qui l’attend que d’autres personnes à sa place, grâce à son histoire personnelle, sans doute.
Émotion
Qu’il en exprime trop, ou pas assez, comme dans son cas, c’est inquiétant. Il s’agit vraiment d’une maladie des émotions.
Émotionnelle (distance)
Je suis conscient maintenant que c’est la maladie qui parle en elle lorsqu’elle me dit que je suis nul. Mais c’est difficile d’aller du côté de la prise de distance émotionnelle : il s’agit toujours de ma fille.
Émousser
Ses émotions semblent émoussées. Même quand il pourrait être content, il nous parle sur un ton plat, monocorde, monotone, la dimension affective n’existe plus pour lui, ou pas tout à fait comme on pourrait l’attendre.
Émouvant
Par moments il est aussi vraiment émouvant. Je lui pardonne alors ce qui a pu précéder, ou ce qui va suivre.
Empirer
Il était gentil, plein d’empathie, aux petits soins avec les personnes fragiles. Et maintenant... Tout empire depuis des mois, et mes inquiétudes, n’en parlons pas.
Emplâtre
Nos petits bricolages sont des emplâtres sur une jambe de bois et surtout, ils ne peuvent être que temporaires.
Emploi
Fait surprenant, il trouvait des emplois sans difficulté. Du fait de son ancien métier, il avait un bon curriculum vitæ, il recevait beaucoup de propositions, les entretiens se passaient bien. Mais lorsqu’il devait s’y mettre, chaque fois, l’activité l’angoissait terriblement. Il gardait son travail quelques heures, une journée, une semaine, rarement plus. Il multipliait les candidatures spontanées. Partout, on l’aurait pris. Ses employeurs étaient contents de lui. Mais il était incapable de rester. Il ne supportait jamais de s’engager, sur la durée. Ça finissait toujours par casser, à un moment ou à un autre.
Empoisonner la vie
Beaucoup de personnes ignorent que ce qui leur empoisonne la vie, ce sont des troubles psychiques.
Emprise
Sous l’emprise de la maladie, par moments, il se fait du mal, il se nuit à lui-même, il devient son propre bourreau. Quand il est en crise, je ne me défends pas. Je baisse la tête. J’encaisse. Jusqu’à la prochaine fois.
Encouragement
Avec les encouragements de l’ESAT, il a repris des cours d’auto-école, et il a obtenu son permis de conduire. Ce jour-là, c’était vraiment une grande joie pour lui. Ses dernières vacances d’été, il les a passées avec mon mari et moi-même en Bretagne, en camping pendant deux semaines. L’hiver dernier, il est parti une semaine en Ardèche avec un copain. Et pour ses prochains congés, il veut aller dans le Sud de la France rejoindre sa cousine. Notre combat a porté ses fruits. Je sais qu’il n’est pas terminé, mais avoir des projets et y croire très fort, cela donne du courage. La joie de les voir se réaliser est essentielle. Il faut de l’endurance : soutenir une personne en souffrance psychique au quotidien est épuisant et cette épreuve a des répercussions sur la famille, qui assume beaucoup.
Énergie
Je vais prendre ma petite dose d'énergie tout à l'heure au centre équestre où je monte à cheval. C’est la meilleure des thérapies, pour moi. Cet exercice me met face à des difficultés, face à du vivant ; je dois composer avec le cheval. Si l’animal ne comprend pas le verbal, le langage corporel constitue un vrai miroir aux émotions, on apprend beaucoup sur soi-même. L’équitation constitue plus qu’une activité sportive. C’est ma vitamine C.
Énerver
Si c’est pour me rendre chez lui et l’énerver, mieux vaut ne pas y aller.
Enfance
Dans son enfance, mon fils avait des problèmes. Très vite, j’ai demandé à voir un pédopsychiatre. Il m’a dit, quand j’ai voulu exiger qu’il range un minimum sa chambre : « Laissez-le dans son monde. » Je me suis sentie trahie, abandonnée, tous deux ligués contre moi. La suite a confirmé qu’il était bel et bien dans un autre monde. Qu’avons-nous fait, alors, pour l’aider à en sortir ?
Enfant
Mon mari n’a pas intérêt à faire du mal à notre fille. Même s’il est malade, je la protège. Lorsqu’il veut s’en prendre à elle, je le calme, direct, je hausse la voix. Ce n’est qu’une enfant, elle est vulnérable. Mais je ne suis pas là tout le temps et j’ai peur qu’il y ait des répercussions sur elle.
Enfer
Il dit que j’ai souffert, dans mon existence. Mais c’est un paradis, à côté de lui. Il vit l’enfer, depuis des années.
Enfermer (faire)
Ma voisine est régulièrement hospitalisée par son mari et ce que je ne comprends pas c’est que les médecins ne voient pas que lui aurait autant besoin de soins qu’elle. Il la bouscule... Il me dit : « Je n’en peux plus. Je fais tout pour elle. Elle va me mener au fond du trou. Je vais la faire enfermer. »
Enfoncer (s’)
J’arrive à prendre distance, quand il va bien. Mais dès qu’il plonge, je m’enfonce avec lui. J’ai souvent l'impression de radoter les mêmes commentaires, les mêmes paroles, c’est vrai : le quotidien s’enlise dans d’usantes répétitions.
Enrichissant
Même si son père supporte mal ses yeux semi-comateux, à mâchonner son ennui, et bien que nous ne partageons pas ses choix, tout en nous gardant de le lui faire savoir, nous parvenons désormais à maintenir avec notre fils des échanges d’une grande douceur, et même enrichissants.
Ensemble
Chaque fois que nous avons pu voir le psychiatre ensemble, ça a fait avancer les choses. Il est parfois manipulateur, aveuglé par sa maladie. Il dit « Je vais bien. » Sans mon point de vue, différent, son médecin ne peut pas savoir quel est son degré d’angoisses, le fait qu’il passe toute la journée avachi sur le canapé. Comment pourrait-il le deviner ?
Entendu (avoir tout)
État limite ou borderline ? Hystérie ? C’est une psychose. Mais laquelle ? Une schizophrénie ? Certains m’ont même parlé de simple névrose. Situation évolutive. Que d’ignorance : j’ai tout entendu.
Entier (en)
J’ai vu une vidéo excellente, sur Internet, d’un psychiatre, au Canadan qui dit - et c’est vrai - que c’est « une maladie qui engage l’être en entier ».
Entouré
Être entouré donne confiance, motive, encourage, soutient. Il est important de nourrir l’entraide entre celles et ceux qui comme nous accompagnent des malades psychiques. Quelqu’un dans la douleur ne peut s’engager, sur le long terme, ni même dans l’instant. Soit le proche peut venir, et participe au groupe de parole, sinon tant pis. Parfois, quelqu’un ne vient pas pendant des mois, et soudain il a besoin de parler. Nous l’accueillons, du mieux que nous le pouvons. Nous faisons notre possible pour que cette personne puisse retrouver sa place, en confiance.
Entre deux
Il refusait de se soigner, sa santé s’aggravait. Il vivait dans un entre deux, à osciller entre sa famille et son appartement tout proche, les copains de rue, l’alcool, la drogue.
Entreprise (gérer comme une)
Il faut regarder la réalité en face, savoir aussi replacer les choses dans leur contexte. L’hôpital est géré comme une entreprise. Le lien entre les proches et les soignants, c'est du travail auquel s'atteler. Cela demande du temps, que les professionnels n'ont pas.
Entretenir (s’)
Notre fils ne se lève qu’en milieu d’après-midi. Il ne s’entretient plus : nous devons lutter pour qu’il se lave et se change.
Entretien
Ça fait du bien, d’avoir un entretien. Dire ce qu’on a sur le cœur, sans peur d’être jugé, sans affect...
Envenimer
Celle qui est malade envoie des SMS à sa sœur, laquelle ne lui répond pas. Ou l’inverse. Il faut dire qu’il existe une forte jalousie entre elles. En suggérant que mon autre fille s’occupe de sa sœur, je ne pensais pas envenimer la situation.
Épargner (ne pas)
Il est très perturbé. On voit que la vie ne l’a pas épargné. Il pense que les gens se méfient à cause de son nom à consonance étrangère. Il ne se rend pas compte que ce sont ses cris, ses attitudes, qui génèrent des incompréhensions et des tensions.
Épauler
Heureusement, mes amis m’ont vraiment épaulée, au fil du temps. C’est important de savoir qu’on n’est pas tout seul, surtout quand il faut faire face à de telles difficultés.
Épier
On est là, en train d’épier. Son état peut changer d’une minute à l’autre. Nous, on sait, à force. On connaît la maladie.
Épilepsie
Nous avions alerté les médecins, demandé ce qui se passait. Un neurologue a diagnostiqué une épilepsie. Tous les malades psychiques ne le sont pas, bien sûr. Ce n’est qu’un épiphénomène de ce qui se passe dans sa tête.
Épisode
Elle a déjà décompensé plusieurs fois. Ce n’est pas identique à chaque crise, les épisodes ne durent pas non plus de la même façon.
Épisodiquement
Il a été suivi par une psychologue, épisodiquement. Elle n’en a rien tiré. Lui non plus.
Épouvantables (des choses)
Il faut éviter la stigmatisation. Mais si un jour elle entend ses voix, et qu’elles lui disent des choses épouvantables, on ne sait pas comment elle peut réagir.
Épreuve (à rude)
Notre relation est soumise à rude épreuve par la maladie. Personne n’en parle, mais c’est lourd aussi pour nous. Je l’accompagnais : c’était éprouvant de se rendre chez le médecin, trois fois par semaine, ensemble, dans la même voiture. Dans cette très grande ville, à l’étranger, notre taxi restait coincé dans les bouchons. Deux heures à l’aller, ça allait encore, mais au retour, le trafic n’avançait pas, ma jumelle hurlait.
Éprouvé
Notre famille a été durement éprouvée, bien avant les difficultés de ma propre fille. Mon grand-père paternel s’est suicidé. Mon père a connu des bouffées délirantes. Mes parents étaient mariés entre petits cousins, je ne sais pas si ça a pu influer. Quand nous étions enfants, les relations conjugales étaient extrêmement conflictuelles.
Épuisant
Trois heures quotidiennes, toute la semaine, chez notre fils, c’était impossible, épuisant, pour une seule auxiliaire de vie. Nous avons dû couper le poste en deux. Elles viennent désormais chacune un jour sur deux.
Épuisement
Parfois des sentiments destructeurs comme la culpabilité, la colère, la rage, la peur ou l’impression d’impuissance prennent le dessus sur tout le reste, et débouchent sur l’épuisement.
Épuiser
Il faudrait que mon fils aille à l’hôpital, pour se reposer. Il a cette opération du genou, en attente, il en repousse toujours la date. Mais il n’en a plus la force, à cause de mon petit-fils, qui l’épuise.
Équilibre
Il me semble que l’on gagnerait à créer un autre espace, où les familles pourraient venir dans l’urgence, quand la situation familiale devient trop pesante, douloureuse. Ce serait un lieu qui nous aiderait à tout moment, pour que nous puissions retrouver un petit équilibre.
Équilibré
Grâce au traitement et aux médicaments, il vit désormais une existence équilibrée. Nous avons pu rétablir le dialogue.
Équipe médicale
Quand c’est l’équipe médicale qui dit : « On attend que quelque chose se passe. » et qu’on sait que « quelque chose » ça peut être une tentative de suicide, ou qu’il fasse du mal à quelqu’un, dans la rue, on se sent abandonné.
Éreinter
L’absence d’aide des services sociaux, de la part de la police, des services de soins et l’incompréhension de la justice nous éreintent.
Ergothérapeute
Quand il va à l’hôpital de jour, il pratique des travaux manuels variés avec l’ergothérapeute. Ça lui évite de penser.
Errant
Selon les moments, il se réfugie dans les bois, dort à la belle étoile. Il se laisse pousser la barbe ou se rase le crâne. Une nuit, sans aucun signe préalable, il est parti, sans destination précise. Il a été retrouvé – errant – au petit matin. Nous ne comprenions rien à son comportement. Il aurait besoin d’être pris en main. Mais comme il est adulte, la société le laisse sans soin.
Erroné
Il me dit : « Si je refuse de lui payer une voiture, avec sa perception erronée du monde, elle va aller en voler une. » J’essaie de le raisonner : « Eh bien, dans ce cas, il faudra qu’elle aille jusqu’en justice. Cette expérience la fera réfléchir. » Il ne comprend pas que cette limite, sociale, pourrait peut-être la canaliser. Il croit la protéger, oublie le rappel de la loi et il s’offusque de mes réactions tranchées.
Escalade
Je m’interroge souvent sur ce que nous aurions pu faire pour éviter cette escalade.
Espace
Depuis qu’il n’est plus à la maison, je vis mieux. Je rentre tranquille. Avant, ça se passait mal. Cette distance, dans nos espaces, me protège.
Espérance de vie
Je suis accueillante, à l’association. On assiste souvent à des enterrements. D’après l’Inserm, vingt pour cent des décès par suicide seraient imputés à la schizophrénie : l’espérance de vie de mon fils n’est pas du tout la même que celle de son cousin, né le même jour. Qui le sait ?
Espérer
Chaque fois qu’il va même un tout petit peu mieux, je ne peux pas m’empêcher d’espérer.
Esprit
Est-ce qu’il est dans son état normal quand il envisage d’en finir ? Je crois qu’il est submergé par un sentiment d’impasse. Il cherche une autre issue. Son esprit devient son propre ennemi.
Essayer
Nous cherchons à alerter. Mais qui ? Pour obtenir quoi ? Nous avons le sentiment d’avoir tout essayé.
Estime
Contrairement au psychiatre de notre fils, qui nous présente sa situation comme définitive, nous voulons continuer à nous battre pour qu’il retrouve de l’estime de lui-même, qu’il reconquière le sourire et qu’il reprenne le plus souvent pied dans la réalité.
Établissement ou Service d’Aide par le Travail – ESAT
L’Équipe de Préparation et de Suite du Reclassement des personnes handicapées, l’EPSR – lui a proposé un suivi spécifique pour étude de personnalité et de compétences psychiques, afin de constituer un dossier pour son placement professionnel. Il a été suivi pendant un an, ce qui a abouti à un accord pour un emploi en ESAT, les anciens CAT.
Étape
En trente-cinq ans de maladie, je suis passée avec lui par toutes les étapes.
État
Depuis qu’il a donné des coups de pied dans ma porte, je ne l’ai pas croisé. Il ne se souvient sans doute pas de sa violence, vu l’état dans lequel il se trouvait ce jour-là.
Étayant
Tout est décuplé, avec son état d’âme actuel. Il faudrait pouvoir inventer comme dit ma psychologue, « une puissance étayante ». Personnellement, je cumule les amis, des activités de bricolage, le sport. Mais pour lui, où trouver des solutions satisfaisantes, ni temporaires ni bancales ? Nous sommes déjà bien aidés par l’éducateur du Service d’Accompagnement à la Vie Sociale, le SAVS, qui s’occupe de lui désormais.
Étiqueter
Quand il n’y a plus eu aucune solution scolaire, il a essayé d’entrer dans le monde professionnel. Il a fait un peu de tout sans jamais rien réussir : de la boulangerie pâtisserie, de la comptabilité, le début d’une école hôtelière, de l’informatique, de la vente – de la caisse à la vente du frais... sauf la mise en rayons, ça, il n’aimait pas. Des échecs successifs se sont accumulés. Et puis on nous a orientés vers un psychiatre, il a été étiqueté handicapé. Les autres ne peuvent pas comprendre.
Étiquette
Beaucoup de familles refusent d’aller vers l’Unafam, mais les proches y viennent, un jour ou l’autre. Ils croient que rencontrer une association de parents, c’est stigmatiser leur enfant, leur conjoint, lui coller une étiquette. La maladie est là, de toutes les façons : on ne tient pas, tout seul.
Étouffer
Si nous nous occupons de notre enfant fauchée par la maladie, ce n’est pas par choix. En aucun cas, nous ne voudrions l’étouffer. Nous étions à l’autre bout de la terre, lorsque la maladie s’est déclenchée. Ce point est toujours occulté, d’ailleurs.
Étrange
Tout est soudain devenu étrange. Il y avait des indices que quelque chose se passait : son repli, des sautes d’humeur pas vraiment corrélées aux événements, l’absence de logique. Elle voulait sur un coup de tête quitter la région où nous habitions, pour s’installer ailleurs.
Études
J’ai dû renoncer aux études. Je ne suis jamais allée aux examens. Ça m’attriste de ne pas être diplômée. Dans ma famille où tout le monde excelle, je suis en échec. Mais je ne peux pas.
Euphorie
Après l’euphorie des premiers jours dans son appartement, plusieurs semaines d’une certaine liberté, la joie d’habiter seul s’estompe. S’approprier un logement est très angoissant pour lui. Prendre soin de cet espace lui est impossible. Il a un studio, mais il ne sait jamais où aller. Il occupe toute la place : il passe de ma maison, où il s’est réinstallé, à « son » chez-lui. Il peut débarquer à toute heure, et parfois il dort dans sa voiture, juste devant l’immeuble de son frère.
Évaluation
Il y a un énorme gaspillage financier, en énergie, un manque de modernité, et surtout, aucune remise en cause, dans ce milieu. Où sont les dispositifs d’évaluation des pratiques ? Se remettre en question, ce n’est pas forcément critiquer : ce serait surtout tenter d’avancer autrement.
Évaluer
La reconnaissance de la souffrance de l’autre est aussi un problème intérieur. Je crois l’évaluer d’assez près, uniquement parce qu’il me la fait partager. Je n’ai pas le choix, il me l’impose. C’est pour cela que je peux, en tant que parent, voir tous les petits signes qui permettent d’anticiper un peu la suite (avec toujours des doutes quant à l’avenir).
Évident (pas)
Ce n’est pas évident à vivre. Heureusement que nous pouvons nous rendre au groupe de parole de l’Unafam. J’ai demandé à parler à son psychiatre. Il a refusé de me recevoir. Je l’ai croisé dans un couloir, et je lui ai dit : « S’il vous plaît, expliquez-moi, même si vous ne voulez pas me parler, à moi, sa mère, dites-moi pourquoi vous ne voulez pas vous adresser aux familles, en général ? » Rien. Pas un mot, il a tourné les talons. J’ai pleuré pendant trente kilomètres, après. En plus, j’en suis convaincue, évincer les familles, c’est une imposture ! On ne peut pas faire sans.
Évoluer
J’ai évolué, bien sûr. Mais lui aussi. Ses médecins eux-mêmes réagissent différemment.
Exagérer
Son psychiatre exige que je ne m’occupe pas de lui et m’appelle pour que je signe, lorsqu’il faut l’hospitaliser. Quand la cadre de santé m’a téléphoné, pour me demander de le reprendre à la maison, j’ai trouvé qu’elle exagérait : elle n’avait pas voulu me donner des renseignements, quelques jours plus tôt, en me rappelant qu’il était majeur. Mais là, je pouvais servir à quelque chose. Je ne me suis pas fâchée. Avec le personnel, mieux vaut tenter de garder un lien, même si c’est n’importe quoi. J’ai eu envie de lui dire ce que je pensais, je n’ai rien lâché.
Examen médical
Il a subi, selon ses dires, dès son admission, une batterie d’examens médicaux dont nous n’avons eu aucun rapport. Après, quel sera le suivi ?
Excès
Je lui cherchais tout le temps des excuses, sauf celle de la maladie. On avait des économies, il a tout claqué, d’un coup. Après, il voulait m’empêcher d’aller faire les courses. Sur la liste, il rayait le fromage, la viande : « On n’a pas besoin de tout ça, il faut faire attention. » Même la farine, le sucre. C’était l’excès inverse, brutalement, sans prévenir.
Excitation
Il s’était mis en tête de devenir paysan. Recruté par un agriculteur spécialisé dans le maraîchage bio, il faisait ses déplacements à vélo, refusant d’utiliser tout moyen motorisé au nom du réchauffement climatique, de la pollution. Il en parlait avec une excitation extrême. Cela pouvait sembler « normal », sauf que chez lui tout était excessif, parfois incohérent, porté par une redoutable exaltation.
Excuser
Il avait des soucis professionnels, familiaux. Je l’excusais : je ne voulais pas voir que d’autres, ou même lui, avant, dans la même situation, auraient trouvé des solutions plus adaptées.
Expatriation
J’ai tellement voulu mettre de distance entre tout cela et moi que j’ai fini par partir à l’autre bout du monde. Je l’ai compris plus tard : l’expérience de l’expatriation n’est pas née du hasard.
Expert
Ce sont des maladies mal connues. Même certains « experts » n’y voient que du feu. Maintenant que je connais, au-delà de notre histoire familiale, de nombreux autres cas, je ne peux plus lire les faits divers, dans les journaux, sans sursauter : « Ils vont avoir besoin d’une expertise ? Eh bien moi, je le sais, ce garçon a agi sous l’impulsion de la maladie, comme mon fils. » C’est facile : quelqu’un qui n’est pas malade ne se comporte pas ainsi.
Exister
On parle d’insertion, d’inclusion. Mais on n’accompagne pas les personnes en difficulté. Il est en réelle souffrance. On lui propose le confort matériel – relatif – alors qu’il a d’abord besoin de se sentir exister.
Explication
Les médecins savent pertinemment que la maladie touche nos enfants quand ils sont majeurs, ils ne veulent pas toujours dialoguer avec nous, sous prétexte de respecter le secret médical. Bien sûr, les psychiatres ont déjà assez de travail avec les malades. Mais quelques mots d’explication sur le parcours de soin, sur ce vécu perturbé, voilà qui nous aiderait certainement à vivre moins mal ces moments difficiles, cela ne nuirait pas et permettrait sans doute d’avancer bien plus vite.
Expliquer
L’autre jour, l’une de mes copines a parlé de quelqu’un dont le frère est handicapé mental. J’ai dit : « Ce n’est pas pareil que la maladie psychique. » Il faut tout le temps expliquer. Je rectifie toujours, lorsque les gens en parlent : il est très fin, s’il relève de la psychiatrie, ses troubles sont psychiques. Cela n’a rien à voir.
Exprimer
Au début, j’essayais d’être gentille avec lui, sans trop lui montrer mes sentiments. Maintenant, je fais mon possible pour exprimer aussi ma colère, mes craintes, même si parfois j’ai peur qu’il se retourne contre moi.
Extérieur (l’)
Comment l’extérieur, son psychiatre, l’assistante sociale qui vient le voir, peuvent-ils ne pas se rendre compte de sa difficulté à survivre ?
Externement abusif
Ce sont des situations non seulement douloureuses mais traumatisantes. Il est difficile de faire hospitaliser un malade – même en crise – aujourd’hui. Personne ne le sait. On craint les hospitalisations abusives, quand ce sont les « externalisations », qui sont dangereuses, le plus souvent : on a laissé sortir mon fils, non stabilisé. Il aurait eu besoin d’une main tendue. Une fois, il a agressé une bonne sœur, dans la rue. Cet « externement » juste à l’essai s’est retourné contre lui alors qu’il était malade, pas du tout pris en charge.
Extrême
Même si heureusement il ne s'agit pas de la majorité des cas, ces situations de crise existent, nous ne pouvons pas les ignorer. Il suffit de fréquenter les groupes de parole, ou les réunions avec les familles, pour savoir qu'il ne s'agit pas que de situations isolées et rarissimes. Or souvent, en état d'inquiétude extrême, hors de l'Unafam, nous nous retrouvons seuls, sans écoute, sans aide.
Exutoire
Mon mari fait beaucoup de vélo. Heureusement, parce que lui, l’une de ses stratégies de survie, c’est la fuite par le travail, il se donne à son entreprise... c’est son exutoire.
F
Face (faire)
Nous n’étions pas très proches. Ma mère n’était pas dans l’analyse, elle ne pouvait pas me soutenir pour faire face aux difficultés de mon fils malade. Je n’ai pas trouvé auprès d’elle les appuis dont j’aurais eu besoin, ni une proximité de pensée.
Facebook
Pour elle, Facebook est sans doute plus sécurisant que des échanges avec qui que ce soit qu’elle peut croiser dans son immeuble.
Fâcher (se)
J’étais presque soulagée de ne plus avoir de nouvelles de lui. Et là, son coup de téléphone m’a mise hors de moi. Je sais bien que c’est contre la maladie qu’il faut que je me fâche, pas contre lui, mais c’est souvent plus aisé à dire qu’à faire. Cette maladie n’est vraiment pas facile au quotidien. C’est lourd, même avec le dévouement de professionnels, autour.
Facilement (hospitaliser)
En tant que représentante des Usagers dans un établissement hospitalier, je pense que la loi du 5 juillet 2011 est inappropriée et absurde dans le contexte actuel en ce qui concerne le passage du patient devant le Juge des Libertés : nous ne sommes plus comme il y a une trentaine d’années où on pouvait faire hospitaliser les personnes facilement.
Faille
Il est sensible. Il sent nos failles. Parfois, il nous manipulait, au début : il ressentait si on était d’accord ou pas, entre nous, avec les équipes soignantes, et il en profitait.
Faire avec
Le psychiatre a voulu le mettre dans un foyer, à sa sortie d’hôpital. Mon fils l’a trouvé trop grand. Il se sentait perdu. Il faut faire avec la personne en souffrance. Non pas à sa place, mais l’accompagner.
Famille
On ne dira jamais assez l’importance de la famille.
Fantôme
Pour qu’il soit hospitalisé, ça a été d’une difficulté inimaginable. Il avait des « fantômes » dans sa tête, c’est comme ça qu’il les appelle. Il est resté huit jours avant d’être pris en charge par un hôpital. Quand on sait par quelles angoisses il est traversé, avec ses « fantômes », maintenant j’ai conscience de la souffrance qui lui a été infligée, durant ce temps d’attente.
Farouche
Je n’aime pas quand elle retrouve ce regard farouche. Elle a fait quatre tentatives de suicide. La dernière a failli être fatale. J’avais noté cette expression agressive, intraitable, juste avant.
Fatigue
En plus de mon épouse, j’ai le problème de nos enfants, à gérer. Les filles sont encore petites, je suis parfois plus qu’abattu. Tous ces débordements : il faut s’en protéger. Cette fatigue m’épuise.
Faux problème
Je savais, quand je l’ai rencontré, qu’il était dépendant à l’alcool. Je ne pouvais pas imaginer que c’était un faux problème, ou plutôt, l’arbre qui cachait la forêt. Lorsqu’il a arrêté son traitement, il était méchant, distant. C’était comme s’il me disait, de façon illogique : « Il faut que tu t’en ailles, mais si tu t’en vas, je suis fichu. » J’étais mal. Je me suis vraiment posé la question : « Est-ce que je le quitte ? » J’ai décidé de continuer mais en étant ferme : « Il va falloir que ça change. » C’est un peu comme un pacte, entre lui et moi. Il sait, depuis cette période, après sa bouffée délirante, qu’avec l’alcool, par exemple, je ne supporterai plus qu’il reprenne. C’est un catalyseur, ce n’est pas la maladie. Il a compris qu’il doit faire quelque chose, lui aussi, s’il veut me garder.
Faveur
Tant que l’hospitalisation sera présentée comme une menace, non comme une chance, les soins seront mal vécus par elle. Pourtant, c’est vraiment une faveur, de nos jours : les places sont rares, ils les gardent tellement peu de temps.
Fébrile (activité)
Son activité fébrile présentait un inconvénient majeur : il n’arrivait à rien, il tournait en rond, s’en rendait compte et s’affairait encore davantage, pour pallier cette improductivité.
Fer rouge
Je ne sais plus combien il a pu faire de fugues, à sauter par les fenêtres. On se dit qu’on en sort plus fort, pour positiver. Mais à vrai dire, je m’en serais bien passée. Ces épreuves nous ont marqués au fer rouge.
Fermer (se)
Trop de portes se ferment. Je me sens seul. Nous avons le sentiment qu’il n’y a aucun dialogue en période d’hospitalisation. Nous ne recevons aucun soutien, aucune explication sur l’état de santé de nos enfants. Et notre approche de parents ne compte pas.
Fête de famille
C’est toujours compliqué, les réunions de famille. Les fêtes sont des périodes à haut risque. Un peu avant Noël, elle a fait une tentative de suicide en absorbant tous les médicaments qu’elle a trouvés dans l’appartement.
Filet (mailles du)
Quelqu’un qui ignore qu’elle est malade peut ne pas le voir. Elle s’exprime très bien, à l’écrit comme à l’oral, elle est cultivée. Elle lit et a beaucoup d’intérêt pour la littérature, les journaux. Du coup, elle passe entre les mailles du filet. Elle trompe les soignants, tous ceux qui l’approchent. Même l’assistante sociale.
Filigrane (en)
Nous avons voulu l’épargner. A posteriori, je ne sais pas si c’était la bonne voie. Ce qu’il a développé, derrière, était déjà là, en filigrane.
Film (mauvais)
Avec lui, c’est chaud : un volcan, avec la braise au-dessus. On a eu tous les diagnostics : antisocial, bipolaire, psychopathe... Au procès, le juge a tendu une perche à son avocat, en évoquant un rapport d’expertise. Mon fils l’a interrompu : « Je ne pense pas être schizophrène, je n’entends pas de voix. » J’ai halluciné, en l’entendant dire ça. J’avais l’impression d’être dans un mauvais film.
Finir
Comment ça peut finir ? On y pense tout le temps. On se dit que c’est une forme de suicide à petit feu. On navigue à vue et on se sent en plein désarroi. On voudrait contrebalancer avec des faits, des dates, des éléments solides, des projections à court ou moyen terme. Mon expérience concrète, de terrain, je peux en parler, sans fioriture. Mais ça n’est pas toujours encourageant.
Fixation
Depuis la venue de la police pour le réprimander des troubles qu’il occasionne, il fait une fixation sur ses voisins du dessus.
Fixe (regard)
Je n’aime pas quand il a son regard fixe, sans expression. Parfois il suffit de peu de choses, un mot, un geste, et soudain, il s’éloigne de nous.
Flexible
L’hôpital de jour, c’est bien : ils sont flexibles, sur les horaires, je peux y aller quand je veux, juste le matin par exemple. Je me sens mieux qu’avant, depuis que je m’y rends.
Fluctuant
Gérer les hauts et les bas de sa souffrance psychique n’est pas simple, pour moi. Même s’il est suivi par un psychiatre qui fait beaucoup, ce médecin ne fera jamais assez, tellement les besoins d’accompagnement sont grands, et fluctuants, suivant les périodes.
Folie
J’ai eu si peur pour lui. J’ai toujours peur, mais lors de sa dernière crise, il a fait une bouffée délirante : j’ai vraiment cru qu’il allait sombrer dans la folie. Lui qui n’a jamais été violent, il a voulu m’étrangler. Il ne s’en souvient plus. Ça lui a fait peur, à lui aussi. Il se basculait la tête comme le font les autistes. J’ai eu la peur de ma vie. Pourtant, j’en ai vécues, des expériences. Là, je pensais qu’il ne pourrait plus revenir à des propos cohérents. J’ai vraiment cru qu’il avait basculé pour toujours. Et puis il est revenu.
Force (avoir la)
Moi qui suis formaté « travail », avec tout ce que je vis avec elle, je n’ai plus la force d’aller au bureau, parfois. J’en ai honte. Quand je pense à notre quotidien, cette eau tourmentée du fleuve, qui coule sous mes fenêtres, je ne veux pas la regarder trop.
Forcer
Comme il ne veut pas consulter et que je ne peux le forcer, je n’ai pas de diagnostic.
Formation (peu de)
Elle présente bien, les généralistes ont peu de formation au niveau psychiatrique, alors qu’ils devraient constater les premiers que quelque chose ne va pas. Du coup, elle leur fait son boniment, et rien n’avance. Elle peut vraiment paraître en forme, même dans les pires moments, selon les instants. Un rendez-vous ne dure que quelques minutes. Moi je vis avec elle, nuit et jour.
Formidable
C’est dur, de vivre ça, toute une vie. Mes voisins sont vraiment formidables. Je pense à lui qui est malade, et elle qui le soutient, au quotidien : on en sort grandi, quand on arrive à dominer toutes ces difficultés, mais c’est tout de même lourd.
Forteresse
Quand ma fille est allée habiter dans cet autre département, elle s’est retrouvée seule. Son appartement s’est transformé en une sorte de forteresse.
Fou
« Ta maladie va me rendre fou », disent les Québécois. C’est vraiment ça. Heureusement, on s’invente des soutiens. Je me souviens d’un psy qui m’a demandé : « Où puisez-vous cette force ? » « Chez les femmes qui m’ont précédée, ma mère, ma grand-mère. »
Fouet (de plein)
Mon aînée a pris de plein fouet l’annonce de ce qu’a sa sœur. Elle se fait autant de souci pour nous que pour elle.
Foyer
Il refuse de quitter la maison pour un foyer. C’est donc tout le reste de la famille qui est de plus en plus épuisé.
Fragile
Quand je le croise, dans cet état, je lui parle. Souvent il se calme. Même s’il est fragile, il peut suivre une conversation à peu près normale, pendant quelques minutes. Après, il répète tout le temps les mêmes paroles, puis il finit par pleurer.
Fragilisé
C’est vital, de me protéger, comme un placard, où j’ai enfermé tout ce qui peut me déstabiliser. Sinon, on ne peut pas vivre. Je suis fragilisée par tous ces événements, c’est certain.
Fragilité
Dans notre famille, ce n’est pas toujours la même forme, un diagnostic identique, mais les fragilités sont là, à tous les étages. Pas toutes nommées directement, ni diagnostiquées clairement, mais bien présentes.
Fratrie
C’est une lourde charge pour tous les proches, y compris pour nous, membres de la fratrie. Ses difficultés existentielles sont incroyablement présentes. Elles reviennent, à un rythme variable, fréquent au début, et qui va peut-être un peu mieux maintenant.
Frère et sœur
Je rêve de bénéficier d’un groupe de parole spécial « frères et sœurs », comme il y en a à Paris ou à Lyon, mais comme j’habite une petite ville – heureusement que s’est néanmoins formée une délégation de l’Unafam sur place – je participe déjà à un groupe plus hétérogène. Finalement, ce n’est pas mal non plus. J’ai l’occasion d’entendre des réactions d’autres parents, ce qui tempère mon jugement notamment à l’égard de mon père.
Frileux
Je voudrais que les associations osent pointer certains dysfonctionnements. On est parfois trop frileux, avec la psychiatrie.
Froideur
Je ne supporte pas ce que j’appelle la froideur de ses sentiments. En tous les cas, sa difficulté à exprimer ce qu’il ressent.
Fronts (tous les)
J’ai rompu avec mes proches, nombreux, qui ne comprenaient pas ce que je vivais avec lui. C’est trop dur de batailler sur tous les fronts en même temps.
Fructueux (contacts)
Mon généraliste a déjà expédié trois courriers pour tenter d’obtenir un lien avec le psychiatre qui la suit. En vain. Si le spécialiste refuse de coopérer, ne répond pas au médecin traitant, comment espérer qu’il accepte des contacts fructueux avec les familles ?
Frustrant
Je trouve frustrant que ma parole ne soit pas suffisamment prise en compte. Nous pourrions beaucoup apporter aux soignants. Pour l’instant, le dialogue est difficile.
Frustration
Son intolérance à la frustration n’a d’égale que la puissance de ses angoisses : et moi, avec tout ça, je fais quoi ?
Fugue
À l’époque de ses fugues, il s’échappait de son institut, des différents placements qui ont été tentés – toujours suivis d’échec – pour retourner chez nous. Et quand il était chez nous, il fuguait encore.
Fuir
Après le bac, je suis allée en foyer, puis en appartement, pour mes études : j’ai commencé à me sentir mal, des voix me faisaient sortir et fuir mes parents, les autres.
Fuite
Ma première réaction a été de prendre la fuite, de mettre la famille à distance.
Fulgurant
Au début c’est fulgurant. L’effet de surprise nous a scié les jambes. Toute la famille a été déstabilisée. Quand ça vous tombe dessus, vous découvrez, complètement. Il avait été considéré comme surdoué par l’une de ses maîtresses, qui l’a eu pendant deux ans en maternelle. Ses enseignants ont toujours mis en avant son intelligence pratique très aiguisée. Et puis ce sont des glissements, des superstitions, des étrangetés. Il pensait pouvoir soigner l’Accident Vasculaire Cérébral de mon père simplement par des incantations...
Fumer
Ils ne font que ça, à l’hôpital, fumer. Je suis sûre que s’il avait pris son traitement, il n’aurait pas été aussi stupide et impertinent, au tribunal. Il est allé jusqu’à la provocation. Devant le Juge, il n’a rien trouvé de mieux à dire que : « Bien sûr que je vais continuer. » Que voulez-vous faire avec ça ?
Fusion
Nous vivions dans une fusion destructrice, je le reconnais. Mais je ne voyais pas comment en sortir.
Futur
Après nous, après notre disparition, que se passera-t-il ? Avec mon mari, je ne peux pas ne pas y penser, tout le temps.
Fuyant
Quand son regard devient fuyant, c’est très inquiétant. Je le laisse, je ne m’oppose pas, dans ces moments-là.
G
Gâchis
Quel gâchis ! Ma tante souffre beaucoup. Ma cousine monte son papa contre elle, puis elle dresse sa maman contre mon oncle. Elle sème la pagaille. Après, elle revient les voir en pleurant.
Gants (prendre des)
Il en faut de la patience, surtout que ça ne s’arrête jamais, les situations se répètent. Du coup, parfois, à l’extérieur, j’ai l’air agressif. Dès que quelqu’un me fait une réflexion désagréable, je pars au quart de tour. Je ne prends pas de gants avec les autres, j’en use déjà tellement chez moi.
Garder (ne pas)
Ça fait longtemps qu’il est malade. L’autre jour, il m’a dit : « J’ai l’impression d’être envoûté quand je te dis des choses méchantes. Ce n’est pas moi. Ne garde pas tout ce que je te dis. »
Généraliste
Notre médecin traitant va m’aider à constituer un dossier médical en vue de son expertise. C’est important d’avoir un bon généraliste.
Génération
Nous avons tout de même, sur quatre générations, dans la famille, deux suicides, une hospitalisation à vie (avant les neuroleptiques), une schizophrénie avérée, deux personnes souffrant de troubles bipolaires, une anorexie sévère, une addiction au cannabis, des conduites à risque et je dois encore en oublier, oui, une dépression, de la spasmophilie. Bien sûr, nous sommes une grande famille, recomposée, après le divorce de nos parents. Mais ça fait beaucoup. En même temps, pour certains d’entre nous, heureusement, tout va bien. La plupart de mes neveux, cousins, frères et ma sœur s’en sortent sans maladie psychiatrique apparente. Ils sont juste bousculés – par moments – en fonction des événements.
Gentil (un mot)
Je ne demande pas une prise en charge de la famille – encore que, parfois, cela pourrait aider tout le monde. Mais un mot gentil n’a jamais fait de mal à personne.
Gourou
Elle s’est mise en ménage avec une espèce de gourou, quelqu’un de très bizarre, qui pratique les médecines parallèles. Elle est une fois de plus hors de tout soin. Pourtant, dès qu’elle accepte un traitement « normal », elle est bien plus gérable. Mais elle arrête, chaque fois.
Graduel
Au départ, il s’est limité à de petits changements graduels. Son comportement s’est modifié imperceptiblement, sa façon de s’exprimer aussi.
Grands-parents
Nous aimerions avoir quelques nouvelles. Comment ne pas nous inquiéter, comment agir sans nous immiscer ? Notre position de grands-parents nous complique sérieusement l’existence.
Grave (plus)
Elle souffre de délires, elle est parano, hypersensible, elle imagine que nos voisins veulent l’assassiner, et je suppose, mais je ne suis pas médecin, qu’elle est bipolaire. Pour l’instant, elle est sous traitement depuis un mois. Suivie par un psychiatre depuis huit ans, après avoir traversé des épisodes, à osciller régulièrement de trente à soixante-quinze kilos, et ce depuis l’enfance. J’ai longtemps pensé qu’elle faisait simplement de la dépression. Mais là, visiblement, c’est plus grave.
Gravé
Je ne les entendais pas, ses voix. On est quand même avec sa sœur, on se pose des questions... Elle me dit qu’elle ne criait pas, à l’époque, qu’elle faisait peut-être quelques gestes : elle ne se le rappelle pas. Moi, ces scènes sont gravées là, à tout jamais dans ma tête.
Gravité
La prise en compte des tentatives de suicide me paraît vraiment légère. Il va très mal. Et moi guère mieux. Il a été hospitalisé pour ses fractures, après la collision. Dès qu’il a pu bouger un peu, il a voulu se jeter par la fenêtre. Il a alors été transféré en psychiatrie pendant huit jours, sans aucun suivi, après, sans traitement ni lien. Avec mon mari, j’ai pris contact avec les infirmiers. On nous a répondu : « Ça peut arriver, après un accident de voiture. » C’est tout. Ils n’ont pas mesuré la gravité de ce qui se jouait là.
Grignoté
Notre espace de vie est grignoté ; il faut être psychiquement costaud pour ne pas nous sentir à notre tour dévalorisés, débordés.
Groupe
Il est rentré de cure de désintoxication dans un de ces états, énervé, stressé. Il nous parlait sèchement : « Je ne supporte pas la vie en groupe, c’est au-dessus de mes forces, je ne peux pas y arriver. »
Groupe d’Entraide Mutuelle - GEM
On a aussi un atelier « revue de presse », au GEM. Pour moi, c’est bien. On parle de soi, quand on présente un article.
Groupe de parole
Je propose des pistes, après chacun en fait ce qu’il veut. Certaines familles que nous recevons ne veulent pas entendre parler du groupe de parole. Pour d’autres, ce sera vraiment salvateur. En ce qui me concerne, je participe depuis des années à un groupe ouvert, à l’Unafam, et il me fait du bien. J’y vais par nécessité, il m’aide à avancer. Je ne pouvais m’offrir les services d’une psychologue, non remboursée par la sécurité sociale, et il est si difficile d’obtenir un rendez-vous chez un psychiatre, dans notre région, que j’ai apprécié de pouvoir aller frapper à cette porte. J’y ai tout entendu : une mère qui osait formuler qu’elle finissait par souhaiter la mort de sa fille malade. Une autre sursautant à chaque cri des sirènes dans la rue, convaincue que cette fois, c’est son fils qui est concerné. Telle autre nous a raconté comment son arrière-grand-père, hospitalisé en psychiatrie une bonne partie de sa vie, y est mort. Son grand-père – neurasthénique – s’est pendu. Une dame très courageuse a deux enfants malades, une fille anorexique, un fils souffrant de schizophrénie. De son troisième, elle a deux petits-enfants, dont un qui vient d’être diagnostiqué bipolaire. L’autre a rompu, brutalement, sans donner d’explication à sa famille. On peut soupçonner des difficultés existentielles graves. Le manque de diagnostic interroge certains. Malgré cette absence de mot précis, ce qui se dit par les uns et les autres fait écho, en eux. Parfois, une seule séance suffit. Certaines personnes viennent uniquement lorsqu’elles le peuvent, pour des raisons pratiques ou personnelles. D’autres, comme moi, sont fidèles, régulièrement présentes. Nos parcours se ressemblent beaucoup, marqués par un sentiment de solitude douloureux. Les épisodes les plus dissemblables s’avèrent très proches. Malgré des disparités factuelles, je suis surprise d’une telle universalité de l’expérience. Un groupe de parole, c’est un lieu où tout peut être dit, compris. Et justement, là, on n’est plus seul.
H
Haine
À certains moments, on a de la haine contre son propre enfant. Ce désamour, on ne peut pas en parler à n’importe qui, tout le monde ne le comprendrait pas.
Hallucination
La première fois qu’il a fallu le faire hospitaliser, quelle galère ! Il a été pris en charge, l’année suivante deux fois, puis quatre, enfin douze. Pour l’instant, cette année, il n’y est pas allé. Ses hallucinations sont toujours là. Elles prennent encore trop d’importance. On vit avec ça. On s’est habitué.
Handicap
Il est dans le déni total. Il est pourtant touché par les handicaps reconnus par la loi de 2005 : volition, comportement, communication et cætera...
Handicapant
Dans ma famille, c’est vraiment la seule. Ses deux cousines anorexiques, même graves, ça n’a rien à voir. Elles ont pu travailler, elles ne sont pas invalides. C’est bien moins handicapant.
Hargne
Je pensais que certains de ses accès de fureur, entre hargne et rage, relevaient de son caractère. Il est difficile d’admettre que la destruction peut être associée à une maladie.
Haschich
Il fume du haschich. Ses délires s’accroissent au lieu de s’atténuer, il ne se contrôle plus. C’est l’enfer. On parle de libéraliser certaines drogues alors qu’on sait que la prise de toxiques détruit les neurones des personnes sensibles. Il le paie assez cher : la société est responsable de graves confusions, inacceptables.
Hautain
Parfois il m’appelle, angoissé : « Viens ». Je passe la nuit près de lui, je lui tiens la main. Le lendemain, hautain, il me rejette : « Quoi, tu es encore là ? » Après ça, il ne veut plus rien entendre de ma part.
Hauts et des bas (des)
Toute notre famille joue aux montagnes russes, à connaître des hauts et des bas, depuis des années, en fonction de son état.
Hébergement
Nous avons appris au moment de sa majorité que le contrat « jeune majeur » de notre fils avait pris fin le premier jour de ce même mois, ainsi que son placement sur orientation de la Maison Départementale des Personnes Handicapées. Il ne bénéficiait donc plus d’hébergement. Affolés, nous nous sommes interrogés. Acceptions-nous son retour à la maison ? Quelle(s) autre(s) possibilité(s) avions-nous ?
Héréditaire
Elle craint, si elle avait un enfant, qu’il ait une maladie. Je ne crois pas que ce soit héréditaire. Bien sûr, dans notre famille, d’autres sont un peu tristes, mais ce n’est pas avoir des hallucinations. Moi-même, je suis déprimée, mais pas au point d’être hospitalisée. Je connais bien sûr un sentiment de grand vide, l’envie de disparaître depuis l’adolescence, mais tout le monde vit cela, je crois que c’est très courant.
Hérédité
Oui, des éléments d’hérédité existent. Il suffit d’observer les familles. Dans la mienne, en plus de mon père malade, j’ai un frère qui a fait de la dépression, une sœur qui a connu l’hôpital psychiatrique. Et ma fille, maintenant.
Hésiter
Notre fils est entré en Soins à la Demande d’un Tiers, les anciennes HDT, à notre demande. J’ai hésité à signer, mais nous n’avions pas le choix tant il allait mal. Malgré cette mesure, il a abandonné son traitement tout de suite.
Heure
On en est au stade du : « Mais qu’est-ce qu’il va m’arriver dans deux heures ? »
Heureux
Avec mon épouse, on a fait notre deuil de notre fils. C’est une démarche difficile. Enfin, on a gardé l’essentiel : il aspire... enfin, nous aspirons pour lui au bonheur. Ce qui compte, c’est qu’il soit heureux.
Heurter (se)
Il y a tout ce que l’on a su détecter, ces nombreux signes de dysfonctionnements, et l’absence de solution, à laquelle on se heurte.
Histoire
Conséquence de toutes ces ruptures, de toutes ces douleurs, de ces heurts à répétition, j’ai moi aussi eu besoin d’aide. Nos émotions nous animent et chacun les gère comme il le peut, en fonction de son histoire.
Homme (le même)
Ce jour-là, on était tous les quatre assis autour de la table, à discuter après sa crise. Quand il a été interné, on était toujours là, avec mon mari. Nos voisins savent que s’ils ont besoin de nous, nous sommes présents. Quand il prend son traitement, il va bien, ce n’est plus le même homme. Maintenant, c’est plus que du voisinage, c’est devenu de l’amitié, entre nous : égoïstement, je dois dire que pour ma part, ils m’apportent beaucoup.
Honte
J’ai honte de ne pas parvenir à trouver des solutions satisfaisantes afin d’aider ma mère à sauver mon frère. Et lui est dans l’humiliation de ne pas arriver à travailler. À chaque nouvelle tentative professionnelle, on le sent dépressif, perdu. C’est une étape encore pire.
Honteuse (maladie)
J’ai parlé de nos difficultés pendant des années à mon amie. Elle m’écoutait, sans rien dire. Il a fallu que passent dix-sept ans pour qu’elle m’avoue – après son divorce – que la sœur de son ex-mari, elle aussi, était malade. Elle reconnaissait son ex-belle-sœur dans tout ce que je racontais, la menace perpétuelle du suicide, la peur de mal agir, la colère, les petites joies, vite rabotées, et elle ne me le disait jamais. Maladie honteuse ? Je n’ai toujours pas compris qu’elle n’ait pas pu partager cette expérience avec moi, pendant si longtemps.
Hôpital de jour
Il suit une psychothérapie à l’hôpital de jour. Cette rééducation lui permet d’avancer, petit à petit.
Horreur
Avoir un enfant handicapé psychique n’est pas sans dommage. Quand ma femme passe une journée entière avec lui, je la ramasse à la petite cuillère. Pour elle, c’est l’horreur. Elle ne peut pas.
Hors-jeu
Je ne veux pas qu’il rentre à la maison. C’est trop tendu, quand il est là. En même temps, si je lui ferme la porte, qu’est-ce qu’il a comme solution ? Je comprends que certains soient hors-jeu. On est vite à la rue, au bord du chemin, quand on est malade psychique.
Hors-norme
Il s’agit toujours d’un même excès, finalement, qui se caractérise par sa dimension hors-norme.
Hospitalisation à la Demande d’un Tiers – HDT – devenue Soins Psychiatriques à la Demande d’un Tiers – SPDT ou procédure d’Urgence, SPDTU – et Hospitalisation d’Office – HO – devenue Soins Psychiatriques sur Décision du Représentant de l’État – SPDRE – ou en cas de Péril Imminent – SPPI – depuis la loi du 5 juillet 2011, révisée en 2013
Il n’a jamais connu d’hospitalisation d’office (HO), mais plusieurs fois nous avons signé pour qu’il bénéficie d’une HDT : ça a chaque fois laissé des traces, créé des tensions, entre nous. N’empêche, c’est sans doute grâce à ces soins contraints qu’il accepte désormais de se faire suivre un minimum. Il se rend maintenant, de lui-même, de temps en temps dans son secteur, pour quelques jours. C’est bien qu’il en ressent le besoin.
Hospitalisation de jour
Un protocole de soins s’est mis en place après une hospitalisation complète, avec visite à domicile, durant un mois, par deux infirmières du CMP. Ensuite étaient prévues une hospitalisation de jour et une thérapie familiale à laquelle il ne se rend pas. Que faire ?
Hospitalisation sans tiers, péril imminent – Soins Psychiatriques en cas de Péril Imminent - SPPI
Même ainsi, avec une hospitalisation demandée par la force publique, elle est sortie un mois après.
Hospitaliser (faire)
Nous nous disons que ce n’est pas à nous de le faire hospitaliser. Mais si nous n’agissons pas, il reste là, à se détruire.
Hostilité générale
Le poids, au quotidien, c’est aussi le regard des autres. Il est franchement pesant. Je me suis retrouvée isolée dans ma propre famille, traitée de tous les noms car je voulais le faire hospitaliser. J’ai dû me débrouiller toute seule et même contre l’hostilité générale. Je me suis armée, il le faut : c’est un combat. Ce n’est pas normal, on devrait être aidé, dans ces moments-là.
Houleux
Les conditions de la tenue de l’audience – au moment de son hospitalisation - ont été houleuses, difficiles, pour la psychiatre comme pour moi-même. En quoi est-ce constructif ?
Humain
Je reste pour ma part convaincue que je suis en mesure de travailler avec des professionnels et que les familles ont une approche humaine, qui doit nécessairement être combinée avec celle des spécialistes.
Humaniser
La maladie nous humanise. Je suis bien plus attentive aux autres, je comprends à demi-mots qu’eux aussi connaissent des difficultés, parmi leurs proches. Si je n’étais pas passée par là, je ne suis pas sûre que je le devinerais.
Humanité
Il n’y a pas que ma fille. Mon père a été interné toute sa vie. J’étais alors infirmière : il est mort deux étages au-dessus du service où je travaillais, et on ne m’a pas prévenue. C’était un arrangement entre médecins, je n’ai pas porté plainte, il n’y pas eu de suite. Pourtant, un peu d’humanité aurait pu adoucir ma peine.
Humeur (sautes d’)
Chaque fois qu’il a suivi un traitement, il est allé mieux. Depuis des années, c‘est ainsi. Mais il arrête, systématiquement. Quel dommage. Surtout que, très sensible aux médicaments, il se maintient avec de très faibles doses. Je sais tout de suite quand il ne le prend plus. Il devient susceptible, il multiplie les sautes d’humeur, il ne dort plus et tourne dans la maison comme un lion en cage, ce qui m’empêche moi aussi de récupérer. Il liquide tout, distribue le peu qu’il a à Emmaüs et aux mendiants du quartier. Il n’a même plus de vélo. Pourquoi fait-il cela ?
Humour
J’essaie de considérer les événements avec moins de tragique, un peu plus d’humour. Quand il casse un lustre qui date de notre mariage, je me dis que ce sera l’occasion d’en changer. Cette distance nous fait du bien, à lui comme à moi.
Hygiène de vie
Ne devrait-on pas lutter pour faire savoir qu’une hygiène de vie sans alcool ni drogue peut réellement faciliter – ne serait-ce que compliquer moins – le parcours de vie de nos malades ?
Hyper-vigilance
Dès sa petite enfance, mon fils avait une hyper-vigilance constante, à vérifier qu’on s’occuperait bien de lui, qu’on ne l’oublierait pas au supermarché ou à l’école.
Hypersensible
On devient hypersensible. Je ne supporte plus qu’on me demande de ses nouvelles. Que répondre lorsqu’on m’interpelle : « Alors, il n’a toujours pas de travail ? » Comment expliquer ? Je n’apprécie pas davantage que personne ne s’inquiète à son sujet, ne me dise, en passant : « Au fait, et ton fils ? » Ce silence m’est intolérable. C’est curieux, on me demande ce que devient mon aîné, jamais rien à propos de celui qui est malade.
Hystérique
Parfois, ça me rend hystérique, de ne pas trouver de solution.
La suite ici.
J'ai rédigé cet abécédaire et je l'ai mis dans sa forme actuelle après un travail pour l'Unafam, en 2013.
Si par erreur restaient quelques citations recueillies à ce moment-là, il suffit de me le signaler.
Mais compte tenu de l'universalité de l'expérience des proches, on peut se tromper : j'ai moi-même parfois cru que c'était X qui témoignait, quand, à la relecture de mes notes, je m'apercevais que c'était Y, de son côté, qui s'exprimait, avec les mêmes mots, ou presque, que Z, d'ailleurs.
Surtout, si vous avez envie de réagir, écrivez-moi,
soit ci-dessous,
soit dans le livre d'or,
soit directement sur mon mail privé :
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Dites-moi ce que vous pensez de cet ouvrage !
Tags : abécédaire, trouble psychique, psychiatrie, témoignage, parole, famille, confiance, parole, confidence, aveu
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