• Le bestiaire enchanté

    par Bob Bolzinger

     

    Étourdie...

    Une page que j'ai oublié de mettre en ligne pendant l'exposition aux Arcades, cet été !

    Le bestiaire enchanté

    Histoire de l’art, bestiaire enchanté,

    et palette d’Anne Poiré et Patrick Guallino

     

    Le bestiaire enchanté

    Les animaux, dans l’art, c’est une histoire ancienne ! Des dinosaures, il ne reste pas de peinture d’époque, et pour cause : l’homme n’a jamais vécu en même temps que ces diplodocus et autres prorotodactyles, lesquels ont disparu bien longtemps avant l’apparition du premier hominidé, 60 à 57 millions d’années avant, soit un temps assez considérable. N’empêche, vous pourrez admirer dans l’exposition d’Anne Poiré et Patrick Guallino un curieux Volatile non identifié, tout de bois, différent des autres animaux, dans son format comme dans son absence de couleur, remontant aux prémices de l’œuvre guallinesque...

     

    Les animaux, représentation ancienne au fil de l’histoire de l’art ? Qui n’a pas en tête les peintures de la Préhistoire, rupestres et pariétales, comme les incroyables fresques murales de Lascaux ? Ces représentations trouvent comme un pendant, dans la toute petite toile de Patrick GUALLINO exposée ici, la plus ancienne proposée cette année, Les petits chevaux... Elle date de 1958 : c’est en quelque sorte la Préhistoire des Guallino...

     

    Le cheval est d’ailleurs l’un des animaux les plus représentés dans l’histoire de la peinture, symbole de noblesse et de liberté. Depuis la Préhistoire, mais encore après, sans arrêt, jusqu’à aujourd’hui, cet animal fougueux et élégant est revenu sous le pinceau de grands peintres tels que Géricault, Delacroix, Degas... N’évoquons pas Maurizo Catellan qui dans La ballade de Trotski va présenter au public « un véritable cheval empaillé à suspendre à un haut plafond », rappelant l’agonie et la violence. Anne Poiré et Patrick Guallino sont bien plus dans une représentation douce et apaisante, fresques non agressives, loin de l’art contemporain, même s’ils sont, bien sûr, de leur temps... Aussi pourrez-vous vous laisser emporter par le doux triptyque aux chevaux légers, Les quatre saisons, une œuvre toute récente, terminée ce printemps, à quatre mains, par Anne Poiré et Patrick Guallino en prévision de l’exposition des Arcades.

     

    D’autres bêtes sont bien sûr également présentes. Dans l’Antiquité, égyptienne, notamment, les représentations animales sont légion, associées aux divinités, et parfois même momifiées. On pense aux chats ayant droit à des enterrements véritables cérémonies... Chez les Guallino, ces derniers sont campés, debout, couchés, en action, sur des supports variés : sculptures sur bronze, en aluminium, verre, bois polychrome, pierre reconstituée, ils sont également représentés sur papier, ou dans beaucoup de toiles, sujet central ou détail discret, comme dans certaines scènes de Venise, où l’on ne peut s’étonner de retrouver ces figures félines. Bien sûr, ils explorent également cette thématique dans leurs livres, comme ceux parus aux éditions Carmina : Tous les chats, All the Cats, Todos los gatos, Alle Katzen... ou leur tout récent album de coloriage.

     

     

    Remonter le temps ne fait que multiplier les représentations animales ! Au Moyen-Âge, il n’est que de penser aux gargouilles... Qu’ils soient réels ou imaginaires, les animaux s’incarnent dans la pierre, sur la toile. Au Couvent des Cordeliers, à Saint-Nizier sous Charlieu, jusqu’au 18 septembre, cette année, vous pourrez admirer le bestiaire fantastique dans l’art roman sculpté sur les édifices : basilic, griffon, chimère, dragon, sphinx... Animaux fabuleux, comme dans la tapisserie La dame à la Licorne, et autres figures à cornes ou langue fourchue foisonnent dans les bestiaires moraux médiévaux, les blasons, les arts religieux et profanes. Certaines des toiles profuses des Guallino ne sont pas loin du Jardin des délices de Bosch... On a souvent voulu insister sur la valeur symbolique de tel ou tel animal, dans les religions et les arts de cette époque, en particulier. Chez les Guallino, l’animal s’offre, dans son étendue de couleur, dans son rapport à l’espace. Pas comme symbole. Comme ligne, comme équilibre. Les dragons, tel le Graoully ne crachent pas le feu, mais des cœurs, de la couleur, de la tendresse et de la douceur. Les dragons ont envie que le Père Noël montent sur leur dos, et partent explorer l’univers, comme Quand il était petit... Univers léger, proche de l’enfance, ces représentations imaginaires, fabuleuses, ne peuvent terroriser : elles se contentent d’apaiser face aux fureurs du monde.

     

     

    À la Renaissance, la volonté d’imiter la nature se fait jour : que l’on pense au rhinocéros de Dürer, par exemple, ou aux chevaux, encore eux, utilisés pour des scènes de combats, mais aussi en raison de la complexité de leur représentation... Chez les Guallino, il ne s’agit jamais d’évoquer la guerre, ni d’imiter la nature, mais bien de la réinventer, afin, sans doute, d’offrir une sorte de re-naissance à des escargots rigolos, ou à des girafes à long cou, capables de sortir tout droit de l’imaginaire...

     

    Si au XVIe siècle, des peintres comme Arcimboldo s’amusent à représenter des visages composés de fruits ou d’animaux... on trouve chez les Guallino, dans certaines sculptures, des têtes-tourterelles, des bras-ailés, en une recomposition, une re-création, une réinvention du monde. Comme chez Brueghel, où des animaux fantastiques s’accumulent, reprenant des éléments ou parties d’animaux plus connus, l’album Animaux en toute liberté s’offre le luxe de ne pas donner des modèles, réalistes, mais bien d’ouvrir sur l’imaginaire, où chacun choisit de colorier selon son humeur et son envie...

     

    Au XVIIe siècle, c’est la naissance de la représentation des animaux comme genre particulier de la peinture occidentale. Au-delà d’une imagerie codifiée, la création se fait de plus en plus naturaliste. Excités par les récits des grands voyageurs, les peintres introduisent des animaux exotiques, dans la peinture d’histoire et religieuse. Des scènes de chasse présentent des alligators, des hippopotames, des tigres et d’autres grands fauves... Animaux que vous retrouverez dans l’exposition des Guallino : eh oui, crocodiles à dents de bois, sans chasseur - sauf dans Le petit chaperon vermillon, où le loup est un ami fiable et rassurant, d’ailleurs, et le chasseur susceptible de se révéler dangereux, car armé d’un grand fusil... Vous découvrirez des lions polychromes à soleil de bronze, des hippopotames aux formes libérées, réinventées : ces figures animales sont là rassemblées non en un zoo, contraignant, mais au cœur de la pleine savane belmontoise, aux Arcades, dans la brousse de couleurs vives et de traits vigoureux qui se veulent ludiques, légers et inventifs.

     

     

    Au XVIIIe siècle se développe la nature morte, particulièrement codifiée, et la représentation d’animaux morts, comme dans celles de Chardin. Donc pas question de retrouver cette thématique dans l’œuvre des Guallino. Mais c’est aussi la période de la scène de genre, qui associe comme chez Greuze portraits de femmes, d’enfants, et animal de compagnie... Le chien, le chat deviennent le miroir des émotions humaines. Là, c’est davantage des influences que vous pourrez retrouver, comme dans ces scènes d’intérieur, telle Confidences, où vous avez tout à imaginer du bien-être au coin du feu... Confidences qui est présent deux fois pour cette exposition : toile originale, bien sûr, mais également, par l’un de ses détails, parapluie pièce unique, fait pour danser entre les gouttes de l’existence...

     

    Le XIXe siècle va remettre à l’honneur, s’inspirant de la peinture de Rubens, les chasses exotiques, d’autant que l’orientalisme est en vogue. Delacroix passera maître de cet art. David peindra de façon néo-classique des chevaux, en ruade, posant... C’est aussi au XIXe siècle l’apogée de la sculpture animalière : le premier salon d’art de ce type ouvrira ses portes en 1912, suite logique de l’engouement qui a précédé. Si l’artiste animalier choisit de faire de ces êtres vivants le sujet principal de son œuvre, lui donne la prééminence, chez les Guallino, les animaux sont plutôt intégrés à des scènes plus générales ou s’inscrivent dans des paysages aux dromadaires qui donnent à rêver d’exotisme. Les figures animales sont parfois centrales, mais jamais de façon à apprendre à connaître ces êtres vivants à la Buffon, en une observation patiente, afin de saisir des formes et des postures ! Ce qui compte, c’est le trait, le mouvement, la couleur, et non la représentation en tant que telle.

     

     

    Puisque nous évoquons l’étude quasi scientifique de l’animal par les maîtres anciens comme Léonard de Vinci et ses Étude de chevaux, ou Dürer, avec Le lièvre, ouvrant la voie à des illustrateurs chevronnés auxquels fera appel Buffon pour les planches de son Histoire naturelle - revisitée par la suite par Picasso - puis aux naturalistes du XIXe siècle - Birds of America du peintre naturaliste Jacques-Audubon - resserrant ainsi les  liens entre art et science disons-le, clairement : il n’est pas question d’associer la science à la représentation guallinesque. C’est l’imaginaire qui domine, le plaisir des formes et des couleurs !

     

     

    Et c’est logique. En lien direct avec l’histoire même de l’art : lorsqu’arrivent les XXe et XXIe siècles, pourquoi peindre de façon photographique, maintenant que tout le monde ou presque dispose d’un appareil, d’une tablette, d’un iPhone ? Gauguin, dès 1898, comprend que l’on peut représenter par la couleur ce que l’on croit voir, comme des reflets, à la palette non réaliste, bien davantage qu’une stricte représentation en miroir... Pensez au Douanier Rousseau. Même dans Le rêve, il glisse des animaux... copiés dans un album des Galeries Lafayette, certes, parfois même reproduits à l’aide d’un pantographe, mais de façon pas franchement photographique... Les Guallino œuvrent dans cette même logique, à réenchanter le monde plutôt qu’à le copier, d’une manière qui se voudrait naturaliste. De l’ours de Pompon, à Boucles d’Or et les trois ours venus d’ailleurs, en réalité... il n’y a qu’un pas !

     

     

    Foin du réalisme ! Place à l’imaginaire, à la création ! Quelqu’un comme Magritte fera d’une colombe un ciel de nuages : le surréalisme est passé par là. Miro, d’une tache de couleur, fait jaillir une inimitable femme-oiseau... Ou Pablo Picasso, d’une selle de vélo et d’un guidon, évoque la tête d’un taureau. Nous sommes en 1942, Patrick Guallino n’est pas encore né. Anne Poiré non plus, loin de là. Ils sont les dignes successeurs de toute cette tribu qui les a précédés, ils poursuivent le chemin. Ils continuent à remplir l’arche de Noé, par leurs toiles, leurs sculptures, leurs mots, ces livres qui réenchantent le monde plutôt que de l’imiter. 

     

    Clins d’œil à d’autres propositions ? Du canidé de Jean-Michel Basquiat – admirez Le petit chaperon rouge, gentil loup – au baudet de Jaber – avez-vous repéré Le ravi et son âne, dans la salle ? -, ou les chats de Corneille, entre art brut, naïf, populaire, oui, surtout populaire, ouvert à tous... cette peinture séduisante permet vraiment d’aller au-delà. Si Anne Poiré déteste les serpents, dans la vraie vie, ou craint d’autres crocs, si Patrick Guallino se sent en danger près d’un équidé un peu vif, ils les aiment, transformés, colorés, embellis, par exemple, par l’extraordinaire Niki de Saint-Phalle,transfigurant en versions artistiques et colorés ce qui, du cauchemar, peut devenir doux rêve.

      

    En fait, dans toutes les cultures, populaires, du monde entier, l’animal est roi : masques d’Afrique, phénix et tortues asiatiques, tapis du Maroc – dont vous trouverez un écho dans cette exposition, notamment avec la belle toile Trois dromadaires, tapis berbère... c’est cette symbiose, cette association de toutes les cultures du monde, de toutes les époques, en une sorte de syncrétisme pictural et coloré, qui vous est proposé là. 

     

    Mythologique, aussi : Orphée et Eurydice reviennent ensemble, chez les Guallino, des enfers. Chez eux, Cerbère, le monstrueux chien à trois têtes qui en garde l’entrée en est même doté de quatre, mais rassurez-vous, la musique enchanteresse, la lyre, la poésie, la création, sont plus fortes que la mort, elles les unissent, et la magie créative ne permet pas que ces amoureux puissent être séparés à nouveau.

     

    D’ailleurs, chez Anne Poiré et Patrick Guallino, même les poissons sont amoureux...

     

    Chouette ! Fantastique accumulation de bonheur ! D’autres chimères sont désormais à inventer, et la peinture, le rapport à la couleur, et à l’imaginaire, sont seuls en jeu.

     

    En jeu, oui.

     

    Tout est ludique, ici, plaisir, légèreté.

     

     

    C’est un véritable Abécédaire des animaux qui vous est proposé durant cet été ligérien. Il s’agit d’une quête esthétique, enchanteresse, enchantée, un plaisir de peindre, de raconter, de se promener dans la palette et les formes, en équilibres et réécritures.

     

    Bestiaire fantastique, de A jusqu’à Z, pas seulement pour les chimères et créatures légendaires tels les dragons. Même les vaches, revisitées par Anne Poiré et Patrick Guallino, entourés de ces sympathiques mammifères, eux qui habitent si près du Charolais, peuvent s’avérer bleues, roses, comme les éléphants mauves, verts ou jaunes... Ce qui, nous l’espérons, vous séduira dans cette exposition, c’est, comment, à partir d’une histoire de l’art riche en animaux divers, les artistes de Belmont de la Loire reprennent cette thématique, et l’explorent, avec leur palette personnelle, poétique et joyeuse.

     

    Joueuse.         

     

    Bob Bolzinger – été 2016

    Le bestiaire enchanté

     

     

    Pour rappel :

    Récapitulatif de toutes les rencontres proposées  

     

    lors de notre exposition aux Arcades 

     

    à Belmont de la Loire : 

     

    - visite commentée - gratuite -  

    le samedi 16 juillet à 10 heures 30 

     

     

    - concert gratuit de Noemi  

    le samedi 16 juillet à 18 heures 

     

     

     

    - atelier de coloriage pour petits et grands  

    le dimanche 17 juillet de 18 à 19 heures,

    10 euros par participant 

     

     

     

    - atelier d'écriture pour adultes le 19 juillet  

    de 19 à 21 heures, 20 euros par participant 

     

     

     

    - lecture-rencontre le samedi 23 juillet  

    à 20 heures gratuite

     

     

     

    -      atelier d'écriture pour les enfants 

    le lundi 25 juillet de 14 à 15 heures 

    15 euros par participant

     

     

     

    -      atelier d'écriture pour adultes 

    le 26 juillet de 19 à 21 heures 

     20 euros par participant

     

     

     

    Vos commentaires ?

    Deux lignes pour vous dire que nous pensons bien à vous et à bientôt à belmont où vous devez êtres bien occupés à préparer votre expo.Affectueusement de nous deux.

     

    A fond, à Belmont!

     

    Dans cette tourmente après Paris vous pouvez compter sur l'amour de vos fans et on vous aime!!!!!!

     

    C'était une chouette expo, j'en garderai un bon souvenir.

     

    Un GRAND MOMENT de frisson avec toutes ces toiles aussi différentes les unes que les autres. Les couleurs nous transportent vers un univers fantastique.

     

    Excellent !!!

     

    MERCI POUR CETTE BELLE RENCONTRE TOUT A FAIT INATTENDUE POUR MOI!

     

    Bravo et merci, on a besoin de bonheur !

     

    Des rayons de soleil ....ca fait du bien durant cette periode compliquee. Merci de nous apporter tout ce bonheur a travers vos oeuvres.nous en avons bien besoin.

     

    SUPER!!!!!

     

    Bonne expo à Belmont, on pense à vous !

     

    Les parapluies sont trop beaux

     

    félicitations pour les belles œuvres!

     

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